II La notion
de communauté :
Latzko-Toth signale que sur IRC
« malgré les possibilités de trucage de
l'identité et autres jeux de masques que favorise l'anonymat, les
données ethnographiques (…) recueillies indiquent que les ircistes
assidus s'efforçent de se construire une
« persona » stable
en ligne. C'est en effet à cette condition que peut se développer
une interconnaissance entre usagers réguliers, qui se considèrent
ainsi mutuellement comme membres d'un groupe de pairs. » (Latzko-Toth, 2000)
Il est entendu que l’interconnaissance ne repose que
sur le seul socle de la stabilité… Les exemples suivants nous
montrent a contrario, comment l’on
s’accommode du changement de pseudo :
just.4u.r.i.p>
thebigboss_in_fo> quoi ? t
qui ?
thebigboss_in_fo> just.4u.r.i.p> moi, Thebigboss15 !
19/03/01
salon informatique
15/04/01 00h15
salon
25-30#515
Un
groupe de pairs ne saurait suffire pour autant à définir une
communauté. Nous allons tenter maintenant de préciser cette
notion…
1)
De la communauté en internet :
Dominique Wolton revient sur cette notion de communauté dans
le glossaire de son ouvrage Naissance de l’Europe démocratique. Là, il rappelle que l’idée de communauté
« suppose réunies la visée commune d’un
bien, l’existence de normes et d’une forme déterminée
de solidarité entre ses membres » (Wolton, 1997 : 406).
La
solidarité est une donnée importante : sur le salon, elle
se manifeste dans l’aide technique apportée, par exemple, aux
membres les plus inexpérimentés :
siuol2> kestananafout2> pour avoir le prenom
devant il faut clicker sur le pseudo
21/03 17h15
Blagues
rakitine> tu connais les pv?
chaton.sharon>
merci non je conait pas
(…)
rakitine> ça y est t'as vu?
rakitine> chaton.sharon> en haut de l'ecran
rakitine> chaton.sharon> t'es paumée?
19/03/01
Salon 25-30#113
Le salon informatique est particulièrement intéressant
à observer sur le plan des menus services échangés
entre les participants :
blizzard_beast>
just.4u.r.i.p> jai des
skins,mais jarrive pas a les mettre
just.4u.r.i.p>
blizzard_beast> tu es sur
que ce sont de bonnes skins ?
blizzard_beast>
just.4u.r.i.p> oui,mais
en fait je capte pas comment on fait pour cha,ger!
just.4u.r.i.p>
blizzard_beast> ben
preferences skin et tu vas sur la ligne de ta skin
blizzard_beast>
just.4u.r.i.p> ok
blizzard_beast>
just.4u.r.i.p>
ça y est
just.4u.r.i.p>
blizzard_beast> ok, bye
blizzard_beast>
just.4u.r.i.p> merci,en
fait il fallait selectionner le repertoire ds lequel est la skin,c pour
ça que je l'avait pas
blizzard_beast> just.4u.r.i.p> bye
19/03/01
salon informatique
Wolton
citant Bourdon et Bourricaud, précise : « (…) la
communauté devient une relation complexe « puisqu’elle
associe d’une manière très fragile des sentiments et des
attitudes hétérogènes, elle est apprise, puisque
c’est seulement grâce à un processus de socialisation jamais
achevé que nous apprenons à participer à des
communautés solidaires… » » (Wolton,
1997 : 407) Et Wolton de préciser : « la charge
affective que requiert l’idée d’organisation communautaire
est essentielle » (Idem.)
Dans l’exemple suivant, une connectée en appelle au soutien
des autres participantes du salon et à la solidarité du groupe…
Toutes prévoient de se retrouver dans la soirée sur le chat…
feline.feline1> bon ce soir les filles bespin de votre soitiene
car ca va etre dur dur plus dur
(…)
belledenuitetdejour> feline.feline1> moi serais presente avec aakita
(…)
1aakita> feline.feline1>
oui presente aussi moi
feline.feline1> belledenuitetdejour> oui j'urais besoin de
vous tous car la chloe va jubiler la
(…)
belledenuitetdejour> feline.feline1> je serais la
(…)
1aakita> feline.feline1>
moi aussi je suis la
feline.feline1> belledenuitetdejour> merci
feline.feline1> 1aakita> merci a toi aussi
(…)
1aakita> feline.feline1>
a quelle heure ce soir
a.laddy> feline.feline1>
ça veux dire quelle heure pour moi ça si je veux prendre la
défence de ma blle amie
taiso> feline.feline1>
vers quelle heure ce soir
taiso> feline.feline1>
tu as de la chance que je sois pris
feline.feline1> surement a partir de 21h ou 22h
16/04/01
40+562
Peut-on pour autant parler de communauté ? Quels sont les
critères objectifs nous permettant d’affirmer qu’un groupe
d’individus constitue une communauté ?
Reynaud
considère qu’« un groupe est capable d’action
collective dans la mesure où il accepte (il institue) une régulation.
Dans la mesure où il accepte une régulation commune il constitue
une communauté ». (Reynaud, 1997)
L’on va voir dans l’exemple suivant qu’en tant qu’organisation
à adhésion libre (à l’image des organisations syndicales),
le dialogue en direct repose non sur l’addition d’intérêts
individuels, mais sur l’acceptation par la base d’une règle
commune : la discipline collective.
chewbacca22> ARRETEZ DE VOUS ENGUEULER
(…)
chewbacca22> VOUS FAITES CHIEZ
(…)
chewbacca22>
UGKGURHKGHKDSGHUMZGHUEMZGHFUMDZHCJMDS
blue_angel> chewbacca22> vas mon chewy vas mon
chew vas mon chewy
(…)
chewbacca22>
blue_angel> je vais etre
obligé de flooder
blue_angel> chewbacca22> ho non stp c pas drole
m.u.a.d-d.i.b> chewbacca22> non, steplait t mignon la
19/03/01 16h30
salon
Informatique
Dans cet extrait, chewbacca22 menace le groupe de « flooder » :
L’action consiste à envoyer une multitude
de messages ce qui a pour conséquence fatale de ralentir le débit
des échanges et perturber considérablement la poursuite de l’ensemble
des interactions. C’est un acte particulièrement grave, ce que
le membre de ce salon informatique n’ignore probablement pas (cela est
rendu quasi-certain par l’emploi même du terme flooder, dont on
apprend en théorie simultanément la définition et la
proscription), car cet acte met en péril l’ensemble de l’activité
groupale. Ici, la menace n’est pas mise à exécution…
Or,
c’est un trait caractéristique du processus de communalisation :
« lorsque
la survie d’un groupe devient pour ses membres un objectif opposable
à leurs yeux aux objectifs individuels qu’ils se considèrent
autorisés à poursuivre, on dira que ce groupement peut constituer
une communauté » (Wolton, 2000 : 215)
L’un des quatre piliers de la cyberconversation énoncés par l’administrateur Caramail dans la charte du dialogue en direct repose ainsi sur la proscription du flood (Cf. illustration : 16) : « tu ne diffuseras pas un même message à de multiples exemplaires pour empêcher les autres de dialoguer entre eux ».
Il faut bien comprendre qu’en cas d’infraction, il n’est pas de mesures correctrices réellement efficaces (hormis l’éjection par un modérateur, ne reste que l’expression de mécontentement des autres utilisateurs) et il est donc préférable, sur le chat peut-être plus encore qu’en face à face, de « concevoir l’interaction non comme une scène d’harmonie, mais comme une disposition permettant de poursuivre une guerre froide » (Goffman, 1988 : 102).
Les transgressions
sont en effet nombreuses, et l’on peut distinguer le flood « signifiant », qui
consiste à répéter une même phrase indéfiniment :
exemple :
15/03/01
salon 40ans et +#54
où
encore, plus ciblé, et tout aussi vulgaire :
wneko> VAS SUR WWW.FUN-NET.FR.ST UN SUPER SITE DE LA MORT QUI TUE !
pour plus de renseignement venir en pv svp merci ! wneko> * VAS SUR WWW.FUN-NET.FR.ST UN SUPER
SITE DE LA MORT QUI TUE ! pour plus de renseignement venir en pv svp merci ! wneko> VAS SUR WWW.FUN-NET.FR.ST UN SUPER SITE DE LA MORT QUI TUE !
pour plus de renseignement venir en pv svp merci ! i.pogne> (é) pampizza1> wneko> arrete la pub!!!!!!!! sexy_miche> wneko>
tageule 05/04/01 salon 10-14 ans # 563 L’autre type de flood, dit
« insignifiant » peut-être assimilé à
une offense de contenu par la non-pertinence des propos tenus. emeline.delorme>
giughtygtgytgtugyyu_ç emeline.delorme>
noncjgbch
cbnvdhgdfdfsytfdtysfdtyd loulou_g> emeline.delorme> calme surfeuse211> emeline.delorme> arret emeline.delorme>
non xcdgcyhdgrhfurgfuryg
je veux pas hgbtftgbtghbtyghbtjgghryghurighuirgiurhgiruhggrigtiuggrghurihgorhgiotghiohgirhgihtgghbggthgiohytghiuthguijythjyiohiyohjyhtkhjhyhyihktpjhthi (…) surfeuse211>
emeline.delorme> tu
t'amise bien maxmaster> emeline.delorme> t'as fini avec tes
fkzklazyrl<ERYZUIIHLJHYFUYL 21/03/01 salon 10-14#218
On l’a vu, l’ensemble des connectés au dialogue
en direct est soumis, non à des règles proscriptives strictes,
mais à une régulation collective, instaurée par les administrateurs
du site, et avec laquelle les membres composent, en développant une
forme particulière de coopération et de gestion des crises.
Bien que fortement marqué par l’action individuelle, le chat
pourrait de ce point de vue être qualifié de communauté.
Toutefois, la communauté est par nature instable (et l’on sait
avec Reynaud que « l’instabilité apparaît avec
d’autant plus d’évidence que l’organisation est moins
contraignante » (Reynaud, 1997) et rarement cohérente.
Béra
et Mechoulan
[1]
en concluent d’ailleurs concernant internet que l’« l’idée
de communauté est naturellement à penser au pluriel »
(Béra et Mechoulan, 1999 : 214).
Venons
maintenant aux caractéristiques de la communauté caramail…
L’on a évoqué la règle
proscriptive du message multiple, venons-en à présent à
cet autre pilier du « bien se comporter » :
« Tu contribueras
comme nous tous chez Caramail à préserver une ambiance conviviale,
sympathique et courtoise » (Cf. Illustration : 16).
On
note d’ailleurs là un trait apparemment commun au chat et à
IRC : comme le souligne Latzko-Toth : « L'un des traits
saillants de cette « idéologie » ircéenne
est l'idéal communautaire et la recherche systématique de la
convivialité qui lui est associée. À la suite d'Ivan
Illich (1973), Marcel Bolle de Bal (1985, p. 134) considère la
convivialité comme la condition d'un corps social qui « cesse
d'être dominé par les outils qu'il crée ».
Josiane Jouët (1992, p. 182) évoque le double sens en informatique
du mot « convivialité », qui connote notamment
l'espoir qu'un accès facilité à l'ordinateur se reflète
dans la société « par un projet de convivialité
[consistant en un] tissage de nouveaux liens entre les usagers ».
(Latzko-Toth, 2000)
Cette
convivialité se manifeste à différents niveaux :
D’abord,
dans l’expression libérée des affects, comme on a pu l’évoquer
précédemment : un fort sentiment d’empathie semble
dominer les échanges : là encore, d’autres avant
nous ont décrit ce phénomène :
« Hiltz
and Turoff have described this syndrome of empathetic community arising amongst
groups of people participating in CMC systems. They have "observed very
overt attempts to be personal and friendly" and note that "strong
feelings of friendship" arise between computer-mediated interlocutors
who have never met face- to-face. » (Reid, 1991)
Certains exemples
sont singulièrement révélateurs de ce profond sentiment
d’amitié qui peut unir des individus pourtant physiquement distants
les uns des autres :
Dans l’exemple
qui suit, les présentations sont effectuées par le patronyme
réel, et non par le pseudo… on invoque un sentiment d’amitié :
1aakita> saint-hubert.nerval>
dis c koi ton prenom moi c gisele
1aakita> treize11>
koi
saint-hubert.nerval> 1aakita> valérie
feline.feline1> saint-hubert.nerval> josiane
1aakita> saint-hubert.nerval>
ok j'ime bien savoir quan j'ai d el'amitié moi
miote73> moi
léon lol
1aakita> feline.feline1>
enchantée josi
feline.feline1> 1aakita> josiane
1aakita> miote73>
salut leon
saint-hubert.nerval> feline.feline1> enchanté
julie.la.rousse> miote73> bonjour léon
feline.feline1> 1aakita> kisssssssssssssssss ca j'aime
miote73> julie.la.rousse>
mdr!!!
julie.la.rousse> miote73> mdr moi c'est julie
feline.feline1> svp jamais me,dire jo car c'est comme ca que
l'autre disait et ca je ne supoorte plus
1aakita> moi
c gigi pour les intimes mdr
feline.feline1> saint-hubert.nerval> enchanter toi aussi
miote73> julie.la.rousse>
oki doki !!!
ramoneur.2> il
n'y a donc que des femmes....qui ont la parole ici!
feline.feline1> 1aakita> josi, bien
julie.la.rousse> miote73> enchantée léon
julie.la.rousse> ramoneur.2> non parle
1aakita> feline.feline1>
oui c mignon josi
1aakita> julie.la.rousse>
hein ma julie
feline.feline1> 1aakita> hi oui
julie.la.rousse> 1aakita> rien
1aakita> julie.la.rousse>
toi t'es ma juju
julie.la.rousse> 1aakita> ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
belledenuitetdejour> 1aakita> et moi ?
miote73> et
bin bravo lol
julie.la.rousse> belledenuitetdejour> toi on t'a rien demandé
belledenuitetdejour> pour tous moi c fanie
feline.feline1> julie.la.rousse> hello ma julie josi pour toi
16/04/01
salon 40 ans et plus#562
Comme le signale également Reid, ce sentiment peut-être apparemment très profond :
« Personal
relationships amongst participants in computer-mediated communication systems
can often be deep and highly emotional. Hiltz and Turoff have noted that some
participants in such systems "come to feel that their very best and closest
friends are members of their electronic group, whom they seldom or never see. »
(Reid, 1991)
Dans
les deux exemples suivants, une comparaison est établie avec les liens
familiaux :
cold-smoke> lepoint01> oui peut etre mais moi je
suis pas une brelle et en général qd tu agresses qq1et que tu lui
sors t plus ma soeur ben en géné ral on fait pas comme si de rien
était
19/03/01 16h30
salon informatique
15/03/01 14h03
10-14#53
De manière plus diffuse, le sentiment de convivialité prôné par l’administrateur du site, prend racine dans le dispositif même. L’on a évoqué l’auto-désignation des termes de communauté et de membres. Il est un autre service baptisé « mes amis » qui consiste à inclure dans une liste non exhaustive, les individus avec lesquels on souhaite rester en contact. À chaque fois que l’un des participants de la liste se connecte, un signal sonore et visuel mentionne sa présence ce qui facilite l’interconnaissance entre les membres et suggère un sentiment de proximité…
Dans l’exemple
suivant, une connectée manifeste sa gratitude à un autre participant,
qui lui propose de l’inclure dans sa liste d’amis.
salon 40 ans
et +#607
Avant d’être définitivement admis dans la liste des amis
d’un autre membre, chaque connecté reçoit une demande
de confirmation
[2]
… Les termes utilisés par le support induisent
ce sentiment de convivialité, voire de familiarité :
De l’amitié à l’amour virtuel, il
peut d’ailleurs n’y avoir qu’un pas…
nono_ou_bibi1>
je t'aime ma schtroumpftte#05
21/03/01
salon 10-14#128
15/03/01
salon 40 ans et +#15
Il est vrai que la désinhibition est sans doute une caractéristique
fondamentale de la conception de l’interaction dans la communauté
caramail, et plus globalement, de l’ensemble des cyberconversations.
C’est ainsi qu’à de nombreux égards, les exemples qui vont suivre pourront-ils heurter la morale et la bienséance. C’est pour nous un signe fort de l’émergence d’un nouveau mode relationnel, et il ne faudrait pas envisager les propos qui vont suivre comme autre chose, qu’adaptés au contexte de l’interaction. Ils repoussent sans doute les limites traditionnellement admises de l’acceptable et de l’inacceptable en matière d’énoncés comme de comportements.
Rappelons toutefois que nous cherchons à comprendre, en aucune façon
à juger… Reid, développant cet aspect de la désinhibition,
constate : « Researchers of human
behaviour on computer-mediated communication systems have often noted that
users of such systems tend to behave in a more uninhibited manner than they
would in face-to- face encounters. Sproull and Kiesler state that computer-mediated
behaviour "is relatively uninhibited and nonconforming." Kielser,
Siegel and McGuire have observed that "people in computer-mediated groups
were more uninhibited than they were in face-to-face groups." Rice and
Love suggest that "disinhibition" may occur "because of the
lack of social control that nonverbal cues provide."
Le sexe est par exemple un sujet omniprésent, et abordé souvent
sans le moindre tabou, ce qui fait dire à ces connectés :
rezi1> alors esceque lkes histoiressympas qui ne
parle pas de sex t'iteresse
(…)
amie33> rezi1> les histoires qui ne parle pas de sexe oui ca m interese je suis tannée de toujours entendre les memes choses
14/04/01 22h01
salon 30 - 40
ans#550
Les cyberconversations
relatives au sexe sont fréquentes et surtout dégagées
des signaux physiques, ce qui induit la possibilité d’un échange
verbal particulièrement explicite, tout en s’assurant d’une
relation totalement platonique :
Les participants
les plus jeunes sont aussi apparemment les plus enclins et les plus prompts
à ce type de comportement. Reid qualifie ce phénomène
de « 'net.sleazing'. Perhaps because
the majority of the users of IRC are in their late teens or early twenties,
since the Internet primarily serves educational institutions and thus students,
sexual experimentation is a popular Internet game. Adolescents, coming to
terms with their sexuality in the 'real world', find that the freedom of 'virtual
reality' allows them to safely engage in sexual experimentation. Ranging from
the afore-mentioned gender- role switching to flirtation and 'compu-sex',
IRC provides a medium for the safe expression of a "steady barrage of
typed testosterone."
Les exemples
suivants sont symptômatiques… L’on notera toutefois que
certains participants s’offusquent de ces comportements, pour le moins
marqués par la trivialité :
b.abarrouag>
je fait le sex
05/04/01 01h51
salon 10 - 14 ans#579
girl_love_boys1>
full_skate_in_a_life>
salut je te suce
(…)
sonic-maze> girl_love_boys1> t en manque ou koi?
girl_love_boys1>
sonic-maze>
nnnooooooooonnnnnnnnnnnnnn ttttttooooooiiiiiiiii
sexman93> ya des filles chaudes ou pas
girl_love_boys1>
sexman93>
mmmmooooooooooiiiiiiiiiiiii
sexman93> girl_love_boys1> viens en pv
girl_love_boys1>
sexman93>
oooooooooooooooooooooooooouuuuuuuiiiiiiiiiiii
daria_930> ¸alut
girl_love_boys1>
daria_930> fair me la
conas
daria_930> girl_love_boys1> quoi
répètes en francais
girl_love_boys1>
sef b
sonic-maze> girl_love_boys1> jte crois pas
girl_love_boys1>
daria_930> connasse tu na
que 11 ans tu suce pas pis tes conne
05/04/01 23h37
salon 10 - 14 ans#563
ou encore…
mêlant les références (littérature et sexualité)
(…)
bob_le_clown_volant>
TU ME FAIS JOUIR
05/04/01 01h51
Salon 10 - 14 ans#579
Nous examinerons pour finir un aspect de la recherche de sentiment
communautaire : l’on ne peut en effet mettre sur le compte d’une
quête de la promptitude, le choix de certaines transcriptions, plus
longues que les formes ordinaires ( «moua » ou « moah »
pour « moi »): la motivation apparaît donc comme
plutôt à visée communautaire :
masterdriver> tonton_du-web> moah jaloux??? pfffff des femmes j en ai 200 sur
cara...
19/03/01 15h30
salon Blagues
podi> cold-smoke>
et moua ?? (-/
19/03/01 16h30
salon Informatique
Autres
exemples où se diffuse, nous semble-t-il, sous une apparente recherche
d’expressivité en lien avec l’oralité, une motivation
proche de la reconstruction d’un « parler
jeune » : le second exemple est une retranscription graphique
typique du « verlan » (« a
oualpé » pour « à poil »)
txpstar> SIOUPL LES GARS
19/03/01 16h30
Salon Informatique
la_danse_du_youkoulele> maxmaster> une fille a oualpé ?
21/03/01 14h08
Salon 10 - 14 ans#218
Enfin, signalons
l’existence d’un site « officieusement
officiel », baptisé carasecrets.fr.st tenu par une membre de
la communauté caramail, et étant entièrement
dédié à la communauté. L’on y trouvera
notamment la liste exhaustive de création de smileys, ainsi qu’une
« liste noire » des membres les plus
« dangereux »…
(Capture d’écran d’une page du site carasecrets.fr.st,
janvier 2001)
L’on note que l’emploi des termes caramailien, et
caramailienne est attesté sur ce site comme sur le site officiel de
Caramail.
Les membres eux-mêmes se qualifient parfois par rapport au
support :
larauffe> bye bye les fous de cara
09/04/01 00h
Salon 40 ans et plus#468
1aakita> inema>
on fait une election mercredi 15 a 21 h
(…)
1aakita> inema>
ben election miss mamùie cara
08/05/01
Salon 40 ans et plus#915
Les interactions sur le dialogue en direct sont marquées par le recours à des procédés graphiques et expressifs dont la fonction essentielle vise à la régulation des échanges et à la construction d’un environnement imaginaire commun. Contrairement au face-à-face, les signaux physiques sont déconsidérés, au profit d’une recherche plus générale de signes d’empathie, fondée sur la symétrie apparemment généralisée des comportements.
Derrière
l’apparente égalité de statut des locuteurs et la familiarité
des propos tenus se dessinent les idéaux et les valeurs de convivialité
et de partage prônés par le support et valorisés par les
membres. Toutefois, l’on a vu que l’environnement anonyme autorise
également la desinhibition, tant positive que négative, ce qui
nous incite à considérer, à l’instar de Reid, que
c’est par la transgression des normes conventionnelles et traditionnellement
admises en public, dans les sociétés occidentales actuelles,
que se forgent aussi les normes cyberconversationnelles : « It
is this freedom from convention that allows IRC users to create their own
conventions, and to become a cohesive community » (Reid, 1991)
Sur le site de
Caramail, il nous faut semble-t-il considérer comme réel le
sentiment communautaire, ou, tout au moins, même si la différence
est majeure, la volonté de sa création. Reste à savoir si les caractéristiques de la communauté
caramail, décrites précédemment, peuvent être
suffisantes pour conclure à l’émergence d’un
nouveau mode de relations interpersonnelles.
[1] Béra M. et Mechoulan E., 1999 : la machine Internet, Odile Jacob
[2] Nous avons masqué le nom du connecté pour des raisons de confidentialité, dans la mesure où il n’a pas connaissance de notre étude et que sa démarche est personnelle. (la publication personnelle de la liste de ses amis est laissé à la discrétion du connecté, et peut-être qualifiée à ce titre de relativement intime)