PARTIE 3 :
L'EMERGENCE D'UN NOUVEAU MODE DE L'INTERACTION ?
Nous avons jusqu’alors procédé par « empirisme
descriptif » : cela ne doit pas pour autant nous faire renoncer
à « toute exigence de généralisation, de théorisation,
voire de formalisation : les faits ne sont descriptibles qu’à
l’aide d’outils et de modèles (…) » (Kerbrat-Orecchioni,
1998a : 46). Nous tenterons donc l’approche d’une modalisation
ludique, après avoir procédé à l’examen
des échanges les plus fortement empreints de rituels en face à
face : l’échange réparateur et l’échange
complimenteur. Nous abordons maintenant le versant quantitatif de ce travail.
I
Étude de deux échanges rituels :
Selon Goffman, les manifestations les plus visibles de l’activité
cérémonielle « sont sans doute les salutations, les
compliments et les excuses qui ponctuent les rapports sociaux. »
(Goffman, 1974 : 54). Nous avons déjà évoqué
dans la première partie de ce travail, les modalités de salutations.
Traitons maintenant des échanges réparateurs et complimenteurs.
Nous allons tenter ci-après d’élaborer une grille d’analyse typologique des échanges réparateurs, applicable à notre objet d’étude : les salons textuels de bavardage en direct sur Internet.
Les infractions au comportement correct nous fournissent, en effet, « l’occasion
d’étudier les genres de présupposés qui sous-tendent
le comportement interactionnel adéquat » (Goffman, 1988 :
97). C’est ainsi que, par l’examen systématique des activités
réparatrices, nous pourrons établir l’inventaire des délits
conversationnels au sein de la communauté virtuelle caramail, et dégager
ainsi, « a contrario les règles du savoir-converser » (Kerbrat-Orecchioni,
1998b : 156).
« À l’écoute de ces dissonances [incident,
fausse note],
le sociologue peut porter des généralisations sur ce qui fait
que les interactions avortent et, par implication, sur les conditions nécessaires
à leur bonne marche. En même temps, il en retire la confirmation
de ce que toutes les rencontres appartiennent à une classe naturelle
unique et se laissent analyser sur le même canevas. Par qui
l’incident embarrassant est-il causé ? Vis-à-vis
de qui est-il embarrassant ? Pour qui l’embarras est-il ressenti ? (Goffman, 1974 :
89) »
La notion d’embarras sera pour nous centrale dans la dénomination et la séquentialisation des échanges réparateurs. Aussi, jugeons nous nécessaire un bref rappel terminologique. Goffman, considérant l’embarras et l’organisation sociale, distingue deux sortes de circonstances à l’origine du trouble : d’abord, « un individu peut perdre la tête alors qu’il est engagé dans une tâche qui, par elle-même, n’a pas pour lui une importance particulière si ce n’est qu’il est de son intérêt général de l’exécuter avec sûreté, compétence, diligence et qu’il craint de ne pas être à la hauteur . Il ressent un malaise dans cette situation et non pas vis-à-vis d’elle. (…) L’absence de spectateur n’y change rien et cela est significatif. » (Goffman, 1974 : 88). Par ailleurs, l’embarras peut être « en rapport avec le personnage que l’on se taille devant ceux dont on ressent la présence à un moment donné. (…) Cet ensemble des personnes présentes, aux contours fluctuants, constitue un groupe de référence d’un importance extrême. ». (idem).
Cette notion d’embarras est entendue ici au sens
extensif, l’émoi provoqué par ce genre de situation n’est
pas manifeste physiquement, mais il peut être ressenti comme un malaise
général, comme « quelque chose qui ne va pas ».
Nous considérons que l’embarras est symptomatique des situations
réparatrices, et c’est à ce titre que nous avons procédé
à leur examen systématique.
Selon Goffman, la fonction de l’activité réparatrice
est de « changer la signification attribuable à un acte,
de transformer ce qu’on pourrait considérer comme offensant,
en ce qu’on peut tenir pour acceptable » (Goffman, 1973 :
113). Le but étant de « rétablir l’équilibre
rituel » de l’interaction.
Nous limiterons la notion de réparation à sa forme verbale
(l’excuse, à caractère symbolique) en englobant les procédés
visant, tant la neutralisation des offenses, que les situations de rupture
de communication. Les « speech errors » semblent en
effet particulièrement prêter à réparation dans
le contexte du TextTalk, où l’intercompréhension demeure
toujours un état fragile.
Précisons également que l’« on ne peut faire
que ce qui a eu lieu ne soit pas advenu » et que « les
offenses verbales sont à proprement parler irréparables »
(Kerbrat-Orecchioni, 1998b : 150).
Avant d’aborder les résultats finaux, qu’il nous soit permis d’exposer brièvement quelques impressions forgées au cours de nos observations.
Selon la description Goffmanienne, l’on dénombre quatre mouvements
classiques de l’échange réparateur : (Goffman,
1974 : 21-23)
-
La sommation (émanant de l’offensé ou des tiers)
-
L’offre de réparation (émanant généralement
de l’offenseur)
-
L’acceptation (émanant de l’offensé)
-
Le remerciement (émanant de l’offenseur)
Et, « le plus souvent, l’offenseur s’empresse de présenter ses excuses » (Goffman, 1974 : 24).
Est-ce
lié à la propension de l’individu à s’opposer
aux règles de l’ordre social, propension elle-même plus
ou moins contingente du contexte, physique ou virtuel, de l’interaction ?…
Reste que, sur le chat, les excuses semblent peu fréquentes (sans parler
de la phase des remerciements de l’offenseur qui, elle, paraît
inexistante
[1]
).
Si cette
tendance se confirmait, plusieurs raisons causales pourraient l’expliquer :
D’où
la difficulté à mesurer le degré de tolérance
aux offenses de la communauté.
Nous avons dit précédemment que peu d’excuses semblent
formulées sur le chat, malgré l’apparente gravité
de certaines infractions. Nous faisions référence aux offenses
de contenu. Il en est d’autres, portant sur la forme des énoncés,
qui aboutissent plus fréquemment à réparation, tout au
moins à reformulation. Il s’agit de tous les ratés, omissions,
inversions involontaires de lettres ou graphèmes, susceptibles de mettre
directement en péril l’intercompréhension des locuteurs.
C’est ainsi
que la première règle du « savoir-converser »
au sein du salon, semble être le « savoir-coder »
(et son corollaire, le « savoir-décoder »).
Enfin, et ce sera notre ultime remarque, il nous faut prendre en compte,
outre les excuses (du fait de leur relative rareté), ce que Goffman
qualifie de phase de « sommation », et que nous désignerons
ici plus généralement « demande de réparation ».
En effet, pour
Kerbrat-Orecchioni, 1998b : 152), la structuration générale
de l’échange réparateur comporte trois composantes :
Auxquelles on
doit ajouter trois variantes :
Dans ce dernier cas, « la victime attire l’attention sur la nécessité de réparation du dommage effectué » (Kerbrat-Orecchioni, 1998b : 160). L’on approche ici la conception goffmanienne de la sommation, « par laquelle les participants prennent la responsabilité d’attirer l’attention sur la faute commise et indiquent par implication, qu’ils entendent rester fermes sur les droits mis en danger et exigent un retour à l’ordre » (Goffman (1974) : 21).
Nous distinguerons essentiellement entre ces deux notions, une divergence
quant à la qualité du locuteur (d’une part, victime, de
l’autre, participant). Mais il nous faudra également distinguer
les victimes directes des actes offensants, nommément visées,
des victimes indirectes, qui, soit du fait du caractère collectif de
l’offense, soit du fait de leur identification à l’offensé,
en subissent collectivement ou indirectement les conséquences. Les
participants sont assimilés à des tiers, extérieurs au
conflit. Nous admettrons que dans les deux conceptions, les objectifs sous-tendus
par l’énonciation (la complainte ou l’injonction) sont
suffisamment approchants pour ne pas être distingués.
Kerbrat-Orecchioni nous invite à considérer cette composante (complainte-sommation) « comme ajoutée lorsqu’elle est présente plutôt que comme élidée lorsqu’elle est absente » (1998b : 160), soulignant ainsi son caractère très facultatif : « Although the acts complaint/apology resemble an adjacent pair, one may occur without the other » (Owen cité par Kerbrat-Orecchioni, 1998b : 160).
Toutefois,
le nombre de ces ajouts nous paraissant significatif dans le cadre du dialogue
en direct de Caramail, nous avons choisi de les intégrer à notre
grille d’analyse de l’échange réparateur, qui se
fonde donc, en partie, sur le modèle de Goffman et celui de Kerbrat-Orecchioni.
Ci-dessous, un rappel comparatif de ces deux schémas :
Nous
opterons pour notre part, pour une grille d’analyse fondée
sur quatre mouvements :
1.
L’offense
2.
La demande de réparation ou sommation
3.
La réparation
4.
La réaction à l’excuse
Nous allons maintenant nous attacher
à les décrire successivement :
Pour chaque situation d’offense, nous tenterons de distinguer l’intention,
la responsabilité, la manifestation, la cible et la désignation
de l’énoncé.
Nous la qualifierons d’abord selon son caractère :
-
Délibéré ou involontaire :
Dans le cas d’une
offense inintentionnelle, (soit une offense de type formel, nous y reviendrons),
« les spectateurs peuvent estimer que son auteur, s’il avait
prévu les conséquences de son acte, s’en serait abstenu.
Dans notre société, on appelle cela un faux-pas ou une gaffe. »
(Goffman, 1974 : 17)
Dans le cadre du TextTalk, il ne peut guère s’agir que de
ratés, de bévues lexicales, et autres constructions fautives.
Tout acte offensant, réitéré ou réalisé
en dépit de conséquences prévisibles, sera qualifié
d’intentionnel ou de délibéré. Nous attribuerons
le qualificatif de « fortuit » aux offenses considérées
comme des « sous-produits non désirés mais parfois
prévus d’une action accomplie en dépit de telles conséquences »
(Goffman, 1974 : 17). C’est typiquement le cas de la clôture
des interactions qui fait parfois l’objet d’excuses exprimées
par l’individu sur le départ.
-
Selon le genre de responsabilité (singulière ou commune)
engagée dans l’acte offensant (parole en acte) (l’absence
de réponse à des salutations peut ainsi être considéré
comme relevant d’une responsabilité commune à l’ensemble
du groupe de locuteurs).
Ce critère
de responsabilité ne doit pas être confondu avec le ciblage,
même si dans les deux cas, l’on distingue une action isolée
d’une action groupale.
-
Individuel ou collectif :
Selon que l’offense
prend pour cible nommément un locuteur, ou qu’elle s’adresse
à l’ensemble des participants (c’est le cas par exemple
de l’émission de messages multiples
[2]
).
-
Verbal ou non-verbal :
Cette distinction, apparemment abusive dans un salon de discussion textuel,
s’est imposée par la constatation que si « dire est
la norme », « ne rien dire », peut-être,
dans certaines situations particulières, un acte offensant. C’est
en particulier le cas, lorsqu’un individu est « ignoré »
par un autre, soit involontairement, soit volontairement, par le biais d’une
touche de fonction de la fenêtre du dialogue.
Nous distinguerons ensuite les offenses dites « de forme » de celles dites « de contenu » :
Les premières
concernent les ratés, étudiés par Goffman dans Façons
de parler (1981), les violations
volontaires ou involontaires du tour de parole et de tout autre composante
du système conversationnel (l’absence de désignation du
destinataire par exemple). Mais aussi, et plus typiquement sur le chat, les
smileys (il nous faut envisager cette possibilité) et l’émission
de messages multiples.
Les secondes portent
sur la transgression des lois du discours (pertinence, exhaustivité,
informativité) ou, plus généralement, sur tous les «
Face Threatnings Acts » (F.T.A.s). Ces derniers sont subdivisés
selon qu’ils mettent en danger la face positive ou négative de
l’illocuteur ou de l’illocutaire.
LA DEMANDE DE RÉPARATION (émanant
de l'offensé) OU SOMMATION (émanant d'un tiers) :
La complainte vise
à attirer l’attention sur la faute commise.
- Elle peut être explicite ou implicite, selon que la demande de
réparation porte explicitement sur des excuses ou qu’elle se
réduise à une simple plainte, protestation ou reproche.
-
La réaction à la complainte est de type
positif ou négatif :
Soit l’offenseur refuse de s’amender (réaction de type négatif), et il adoptera alors une conduite d’évitement (de fuite) ou répliquera par une protestation. Ce refus risque dans tous les cas de provoquer « une négociation plus ou moins laborieuse et violente sur l’opportunité de la réparation » (Kerbrat-Orecchioni, 1998 : 161). Goffman évoque lui, des « représailles brutales » ou « le retrait des indignés, sûrs de leur bon droit » (1974 : 21).
Soit l’offenseur obtempère (réaction dite positive),
et l’on débouche alors sur la phase réparatrice…
-
Type verbal ou symbolique :
Nous n’envisageons sur le chat de réparation symbolique, que
dans le cadre de la réalisation de « smileys réparateurs ».
Cette possibilité n’a toutefois, pour l’heure, jamais été
vérifiée. Nous entendons par réalisation verbale de la
réparation, ce que l’on appelle communément les « excuses
[3]
».
-
Réalisations explicites et réalisations
implicites :
Nous distinguerons l’acte de demande de pardon (la réalisation explicite) de l’acte de justification de l’offense (la réalisation implicite) [4] . Précisons que ces deux composantes peuvent être réalisées conjointement.
Par ailleurs, nous reprenons ici la terminologie de Kerbrat-Orecchioni
qui mérite une précision : le caractère explicite
ou implicite de l’énoncé réside uniquement dans
le degré de réalisation de l’excuse, (qualifiée
d’explicite lorsque la demande de pardon est exprimée, et que
l’offenseur fait « amende honorable », d’implicite
lorsque seules des justifications à l’offense sont évoquées)
et non dans sa formulation en tant que telle.
La demande de pardon (réparation explicite) peut ainsi prendre la
forme :
§
D’un énoncé à l’impératif
(« excusez moi »)
§
D’une expression performative ( « je
vous demande pardon »)
§
Ou d’une variante : Elliptique
(« pardon ! »), emphatique ( « je
vous présente mille excuses ») et/ou insistante (une
requête d’acceptation pour les excuses est formulée) (« Acceptez
mes excuses pour ce retard » ).
Notons que selon
Kerbrat-Orecchioni, les formules qui accomplissent explicitement l’acte
d’excuse « sont semble-t-il d’un usage relativement
rare » (1998b : 164).
La justification
de l’offense (réparation implicite) se décline sous trois
formes :
§
La description d’un état d’âme
approprié («(je suis) désolé », « navré »,
« confus »…)
§
La justification : par des contraintes imprévisibles
ou au contraire une nécessité impérieuse, au nom d’un
intérêt supérieur. On peut plaider l’ignorance,
l’imprévoyance ou encore l’irresponsabilité, voire
rejeter sur autrui la responsabilité de l’offense (« C’est
pas moi, c’est l’autre qui… »).
§
La reconnaissance de la faute :
-Exprimer l’idée de la culpabilité
(« c’est de ma faute »)
-Reconnaître le droit de la victime à se
sentir offensé (« tu as raison d’être fâché »)
-Spécifier la nature de l’acte commis (« j’ai
cassé le verre »)
Notons, là encore, les possibilités de cumul des différentes
options…
Avant d’aborder l’ultime phase de l’échange réparateur
(la réaction à l’excuse), précisons la « condition
de félicité » (Goffman, (1981) 1987 : 205-273).
L’offensé doit :
-
Admettre qu’un acte offensant a été
commis à son encontre
-
Savoir que l’énonciateur de l’excuse
est responsable de l’offense
-
Lui accorder le bénéfice du doute quant
à la sincérité de sa repentance.
Ces conditions réunies, l’échange réparateur peut aboutir pleinement…
Elle peut prendre une forme positive ou négative : dans
le premier cas, « l’offensé accepte la réparation
et octroie le pardon, explicitement ou implicitement » (Kerbrat-Orecchioni,
1998b : 179), ce qui a pour effet de restaurer l’équilibre
rituel. Dans le second, la réparation est rejetée, le pardon
n’est pas octroyé par l ‘offensé et l’on
aboutit à une crise de l’interaction.
-
Réaction positive : explicite (le pardon
est octroyé et verbalisé) ou implicite (minimisation, dénégation
de la responsabilité de l’offenseur ou de l’existence même
de l’offense)
-
Réaction négative :
§
Confirmation de la réalité de
l’offense
§
Mise en cause de la sincérité
de l’offenseur
§
Contestation de la justification
§
Expression de colère
Le choix d’une
stratégie appropriée implique ce que Vollmer et Olshtain (1989 :
198-9) appellent « a delicate balance » entre le coût
de l’excuse et le bénéfice que l’on peut en tirer
(Kerbrat-Orecchioni, 1998b : 191).
La solution choisie est généralement la plus conforme aux intérêts de l’interaction et des interactants nous dit Goffman. « L’indulgence est une exigence quasi constante » (Goffman 1988 : 102) Par ailleurs, l’étendue du domaine des offenses est fonction du degré de sensibilité des faces des partenaires sociaux » (Kerbrat-Orecchioni, 1998b : 193).
Sur les salons textuels de dialogue en direct, les offenses apparaissent souvent comme plus graves qu’en face-à-face au regard de leur genre (les insultes par exemple) et de leur fréquence, mais aussi comme moins dangereuses pour la face de l’offensé, qui ne subit pas physiquement et publiquement le poids de l’embarras.
L’objectif
étant de maintenir le flux des conversations, les locuteurs privilégient,
autant que faire se peut, le compromis de travail. « Le fait même
de la co-responsabilité dans la construction de l’interaction
impose pour les interactants qui s’y engagent de rechercher un accord,
même provisoire, même illusoire, même plus ou moins réel »
nous rappellent Bachmann, Lindenfeld et Simonin, 1980 : 130)… Toutefois,
quand l’intention de l’offenseur est manifestement de porter atteinte
à la face positive de l’offensé
[5]
, aucune réparation ne peut être satisfaisante.
Si aucun des deux locuteurs en présence ne choisit la fuite, c’est
la logique du duel qui s’impose : s’engage alors une joute
oratoire. Notons que du fait du caractère infini d’une telle
entreprise, il n’est pas exclu que ces échanges enflammés
constituent une forme singulière de « ressources sûres »…
Nous
avons résumé l’ensemble des critères de l’échange
réparateur sous forme de tableaux (ne pas voir de hiérarchie
dans leur construction, ils n’ont qu’un objectif de synthétisation).
Ci-après les quatre phases classiques : l’offense, la complainte,
la réparation et la réaction à la réparation :
Nous avons procédé à la constitution de fiches danalyse fondées sur les modèles précédents afin de pouvoir les appliquer systématiquement aux séquences dembarras. La reproduction de ces formulaires ci-après :
Les
séquences dembarras ont été extraites systématiquement
du corpus primaire constitué de lensemble des échanges
sur les salons publics « générationnels » soit :
les salons 10-14 ans ; 14-18 ans ; 25-30 ans ; 30-40 ans ; 40 ans et plus
[6]
. Le temps de recherche et de rédaction imparti
pour la présente étude se concentre sur une année, ce
qui a nécessairement pesé dans nos choix et motivations méthodologiques.
Ainsi, nous avons focalisé davantage notre attention sur les salons
situés aux extrémités de la chaîne générationnelle
(10-14 ans ; 40 ans et plus) dans une perspective contrastive. Admettons dores
et déjà que cette décision est contestable et que par
ailleurs, nous ne prétendons pas constituer un échantillon statistiquement
représentatif.
84 séquences embarrassantes ou offensantes ont été répertoriées
dans ce corpus. Nous attribuons aux différents mouvements qui les composent
le chiffre 1, 2a, 2b, 3, 4 (qui correspond chaque fois à la création
dune fiche danalyse) selon quils sapparentent à
une offense, une complainte, une réaction à la complainte, une
réparation et une réaction à la réparation . Il
nous faut préciser que certaines interventions, mentionnées
en italique, ont parfois été intégrées à
un mouvement général, et nont ainsi pas fait lobjet
dune fiche individuelle.
Le modèle terminologique proposé par les linguistes en terme
de rangs hierarchisés pour décrire lorganisation des discours
pose par ailleurs quelques difficultés, appliqué aux cyberconversations
[7]
: le problème essentiel réside dans
le fait que la communication ne sétablit pas point par point.
Elle est multipolaire et sinscrit dans une histoire interactionnelle
commune, constamment reconfigurée. À ce titre, il nous faut
bien soutenir quil existe une unité de rang supérieur
à linteraction : Kerbrat-Orecchioni cite dailleurs Golopentia,
qui formule lhypothèse dune « histoire conversationnelle
», dun « ensemble ordonné des interactions ayant
eu lieu entre deux ou plusieurs sujets parlants (la somme des conversations
entre membres dune même famille par exemple
) » (Kerbrat-Orecchioni,
1998a : 218).
(dans la version "papier" chacune de ces 84 situations peut être
examinée individuellement en détail grâce à
la fiche d’analyse lui référant, fournie en annexe.)
L ‘ensemble
des résultats a été reporté pour chaque
salon dans une série de tableaux récapitulatifs. Ils intègrent
les caractères principaux des 4 phases de l’échange
réparateur :
-
Pour l’offense : le caractère apparemment délibéré
ou involontaire de l’action (Del./Invol.) ; sa cible, individuelle
ou collective (Ind./Coll.) ; l’offense de forme et l’offense
de contenu (F/C).
-
Pour la complainte : son caractère explicite ou implicite
(Expl./Impl.). Pour la réaction à la complainte, son aspect
positif ou négatif (Pos./Neg.)
-
Pour la réparation : son caractère explicite ou implicite
(Expl./Impl.)
-
Pour la réaction à l’excuse : son aspect positif
ou négatif (Pos./Neg.)
Dans le premier tableau l’on trouvera donc rassemblés, jour par jour, le nombre et la nature des mouvements composant chacune des 84 situations d’embarras.
Un second
tableau, complétif, regroupe ces mêmes données par
sous-totaux journaliers. Dans les deux cas, la ligne de TOTAL est
identique, qui fait la synthèse des résultats.
Les totaux de chaque salon ont ensuite été regroupés au sein d’un tableau comparatif général.
L’on fournira par ailleurs pour chaque salon, une fiche d’analyse globale, identique à celle appliquée aux énoncés, et à laquelle on pourra se référer pour une vision plus détaillée des différentes caractéristiques. Nous proposerons un commentaire des résultats les plus significatifs pour les salons 10-14 ans et plus de 40 ans, avant de dresser une conclusion du tableau général.
Précisons enfin que l’on ne saurait faire entrer en force des interactions sociales « dans des cases ». Toute tentative de classification est par nature relativement arbitraire et souvent restrictive. Certains énoncés cumulent des caractéristiques antagonistes tandis que d’autres sont inqualifiables faute d’éléments contextuels [8] .
L’ampleur des données, traitées manuellement, nous impose par ailleurs de prévenir le lecteur d’un biais de +/- 2 points.
Le signe
indique que l’offenseur a été
éjecté du salon.
Retour table des matières
[1] un cas unique a été constaté
[2]
Kerbrat-Orecchioni distingue les offenses
directes (qui concernent directement l’interlocuteur) des offenses
indirectes (qui l’atteignent indirectement dans la mesure où il se
sent solidaire de l’offensé). Dans le cas des messages multiples,
l’offense serait indirecte, puisque aucun individu n’est
particulièrement visé, mais aussi directe, puisque chacun
d’eux est privé de sa faculté d’intervenir…
Nous préfèrerons donc à cette entrée, la
distinction entre offense individuelle ou collective…
[3] À l’instar de Kerbrat-Orecchioni, il conviendrait de parler plutôt d’un « ensemble de formules d’excuses » (1998b, : 162). Citant Olshtain et Cohen (1983) : « apologie speech act set », un « speech act set » étant un « paradigme de structures qui sont susceptibles de réaliser par des voies différentes, un même acte de langage » (idem).
[4] Notons que Goffman note, lui, trois procédés
réparateurs : les justifications, les excuses et les
prières ; ces dernières se situant typiquement avant
l’acte offensant. Une caractéristique qui a conduit
Kerbrat-Orecchioni à conclure à une variante de
l’échange réparateur « classique »,
la permutation.
[5] Goffman distingue trois niveaux de
responsabilité de l’offenseur (Goffman,1974 : 17) :
-
L’action innocente
-
L’intention
évidente
-
Les offenses fortuites
[8] Ce qui explique par exemple que le nombre total d’énoncés offensants puisse être inférieur au nombre d’offenses de contenu ajouté au nombre d’offense de forme. Certaines offenses cumulant ces deux caractéristiques. Pour plus de détails, se reporter aux fiches d’analyse.