PARTIE 2 :
LA CONCEPTION DE L'INTERACTION
DANS LA COMMUNAUTE CARAMAIL
Avant
même daborder la question du « profil communicatif »
des membres de la communauté caramail, deux précisions importantes
:
La première
: les termes de « communauté » et de « membres »
sont essentiellement employés ici à la suite des administrateurs
de Caramail, ils font lobjet dune auto-désignation et ne
doivent pas être entendus au sens conceptuel. Il faut en effet se garder
de penser a priori quécrire et transmettre de clavier à
écrans suffit à bâtir une communauté en terme analytique.
(Nous reviendrons sur cette notion de communauté, fondamentale, après
avoir procédé à la description des comportements communicatifs.)
La seconde précision, dimportance, est dordre méthodologique. Nous avons pour cette partie, fondé notre réflexion sur le travail de Kerbrat-Orecchioni sur la typologie des ethnolectes (Kerbrat-Orecchioni, 1998b : chap. 2). Et il sagit bien, pour nous, de dégager l « éthos » [1] de la communauté caramail, (« cest-à-dire sa manière de se présenter et de se comporter dans linteraction ( ), en relation avec les systèmes de valeurs en vigueur dans la communauté » (idem : 63)). Toutefois, internet est un « monde qui nest que la conscience collective de tous ceux qui a un moment donné sy retrouvent » (Herz, 1996 : 1). Comme lindividu est le produit de son histoire et de sa culture, le dialogue en direct résulte de la production de ces mêmes locuteurs à un instant donné. Si la langue qui unit ces derniers est le français, leurs origines géographiques et culturelles sont aussi diverses que difficiles à établir [2] : Europe, Afrique, Amériques
Considérons
donc généralement quinternet invente un nouvel «
espace-temps » qui « se ramasse en un point où les dimensions
géographiques locales et mondiales sont voisines » (Fdida, 1997
: 94). Ainsi, même sil faut admettre quindividuellement
les locuteurs peuvent être plus ou moins influencés par leurs
conceptions géo-culturelles de linteraction, nous nous attacherons
ici, au produit de lensemble des interactions, afin den dégager
si possible des tendances significatives qui nous renseigneront sur la communauté
des locuteurs de Caramail. Précisons enfin quil ne sagit
pas dériger nos observations en normes, et que linterprétation
des données incite à la circonspection, qui doit à tout
prix fuir les stéréotypes, caricatures et autres contresens.
Nous examinerons successivement la place de
la parole et la conception de la relation interpersonnelle, avant d’interroger
plus précisément la notion de communauté. Encore une
fois, il ne s’agit pas d’entrer dans les représentations
de l’interaction (accessibles essentiellement par une méthode
qualitative d’entretiens) mais de pointer les manifestations verbales
qui s’y rapportent.
I
Une interaction d’un nouveau genre ?
Les cyberconversations reposent sur un ordre expressif : on l’a
dit, le silence, par nature, détruit donc fatalement cet ordre. (Cf.
Infra)
13/02/01
Salon France1144
Par ailleurs, nous avons déjà souligné la promptitude
requise dans les échanges, ainsi que l’usage courant, d’un
énoncé par ligne et par tour de parole. La
quantité « acceptable » de parole varie généralement
d’une particule unique (oui-non) ou un acronyme ayant valeur de signal
de direction (lol, mdr, ptdr), à un énoncé composé,
à l’affichage, de plusieurs lignes. La
rédaction de l’énoncé se matérialise, lors
de sa composition à l’écran, par un texte linéaire
« défilant ». La mise en page, éventuellement
sur plusieurs lignes, n’est formalisée par le système
qu’après l’envoi des données. Ce qui incite
certains usagers à pratiquer, eux-mêmes, un découpage
interne de leur discours, en différents mouvements : ci-après,
deux énoncés, que l’on peut qualifier indépendamment
de longs, et qui ne constituent toutefois qu’une seule et même
trame discursive (sectionnée par l’auteur en deux mouvements
distincts par « … »). Notons
que la longueur des énoncés a une incidence directe sur le temps
de la frappe, donc sur la prise de la place dans le tour. L’interlocuteur
de cold-smoke s’inquiète ici prématurément de la
suspension après le premier énoncé. L’on
considèrera que la construction énonciative de cold-smoke est
typique du paradigme épistolaire mis en lumière antérieurement
(Cf. : 82) (Mattio, 2000 : 52). cold-smoke>
lepoint01> ah tu étais sous
pression? dommage... se pourrait-il que lorsque tu es "sous pression"
tu perdent tes moyens?... c bizarre parce que vous m'avez dit ce jour la que
j'avais pas (…) lepoint01>
cold-smoke> quetu n'avais pas coi ??? (…) cold-smoke>
lepoint01> le droit de perdre mon langage
face à l'agression de certains membres du salon ainsi que des menaces
à mon encontre.. mais c pas grave 19/03/01
16h30 salon Informatique
La question n’est en fait pas tant, celle de la quantité
de parole produite, que celle de l’exhaustivité et de la pertinence
des productions. Les jugements de valeurs portés sur les comportements
langagiers concernent en effet aussi la qualité de la parole produite :
attention, cette notion de qualité, du fait de l’environnement
anonyme, entretient un rapport particulier avec celle de la véracité
(Grice fonde sur cette dernière l’essentiel de la catégorie
Qualité du Principe de Coopération
[3]
).
Kerbrat-Orecchioni distingue notamment sur cet axe de la
verbosité, la valorisation plus ou moins grande accordée au
beau parler, et à la parole « pleine » ou phatique.
À sa suite, nous étudierons les actes de parole sur le chat,
selon leur rapport aux règles grammaticales et orthographiques de l’écrit
traditionnel, et leur caractère relativement phatique. Nous constatons généralement une très
vaste tolérance dans l’application des règles orthographiques
et syntaxiques classiquement érigées en norme dans l’écrit
traditionnel ; tolérance que l’on peut observer dans le nombre
et l’importance des transgressions. Celles-si, justifiées notamment
par la constitution d’un « parlécrit »
propre aux cyberconversations et aux C.M.O.., semble procéder parfois
de la reproduction graphique d’une forme orale, qualifiée d’incorrecte. Cela pourrait être le cas ici, bien que l’ensemble
de l’énoncé soit globalement assez respectueux de l’usage
normé (en gras, la transcription du phonème [e], problématique
en français ; la forme impropre a été soulignée)
le_dragueur_de_fille> si vous voulez virer qq du
salon, cliquez sur son pseudo et clique ensuite sur pas de nouveau
PVs juska ke lotre se fait ejecter 21/03/01 Salon Informatique#1
Nous avons tenté, par une situation de rupture, de
mettre en lumière cette grande tolérance apparente des membres
de la communauté caramail quant à l’application des règles
orthographiques. Nous proposons ainsi à Retho7, notre interlocuteur,
de corriger ses fautes d’orthographe. Sa réponse est incendiaire…
et probablement à la mesure de l’offense ressentie.
retho7> poischiche00> tu comprend pas le fr (…) poischiche00>
retho7> si justement... tu veux que l'on
corrige tes fautes d'orthographe à ce sujet??!!! (…) retho7> poischiche00> tu voi pas conard qe l on
et sur un chat et on parle comme cela tete de bite sur un chat alors ferme
ta gueule avant de parler et va niker les ppiles poischiche00>
retho7> vexé????!!!!!! (…) retho7> poischiche00> non pas du tou c toi qui devrai l etre quand
on ne se pas se que l on di petit con 05/04/01 01 h51 salon
10-14 ans #579
Il s’agit là d’un trait saillant des cyberconversations
: l’absence d’usage normé du « parlécrit »,
(même si par ailleurs des pratiques récurrentes et spécifiques
sont observées, constitutives d’un nouveau mode communicatif)
et la forte revendication des participants envers cet état de fait. Reste
que le recours à la norme traditionnelle s’avère parfois
nécessaire. Notamment, en réponse à un énoncé
offensant. C’est là une stratégie de défense typique.
Deux exemples où les locuteurs feignent de prendre pour une offense
de forme (d’expression) ce qui est par essence, une offense de contenu
(injures, insultes) :
girl_love_boys1>
daria_930> fair me la
conas daria_930>
girl_love_boys1> quoi répètes
en francais 05/04/01 23h37 Salon : 10-14 #563
Et encore :
sly.mama> Salut bande de tarés.
bioss4> sly.mama> s est ttta mere , lla tar
sly.mama> bioss4> Calme toi, tu vois bien que tu
te fais du mal. bioss4> sly.mama> s est ta mere la tares
sly.mama> bioss4> Ca commence à venir. Travaille
encore un peu
bioss4> je suis plus grand que toi bioss4> sly.mama>
fils de pute
19/03/01 15h18
salon 25-30#117 Dans le cas précédent,
les salutations d’ouverture de sly.mama se calquent sur celles d’un
ex-animateur pour enfants de la télévision française
[4]
. Que cette référence « culturelle »
ne soit pas partagée par son interlocuteur est probable, il semble
d’ailleurs réagir « au pied de la lettre »
à ce qui peut être interprété, hors contexte socioculturel
commun, comme une insulte.
Par ailleurs, quand les
allocuteurs s’autorisent des entorses aux règles de la grammaire,
les allocutaires en perçoivent des indices de direction, qui caractérisent
l’émetteur. Dans l’exemple suivant, cet indice est également
utilisé comme ressource défensive…
manequin.lu>
greyfox3_et_prost2>
NON JE SERAI PAS TOUT SEUL INQUIETE TOI PAS CA SE VOIT QUE TOI TU SORT
JAMAIS PARCEQUE TA PEUR (…) greyfox3_et_prost2>
manequin.lu> moi j'ai
peur?!Ceux qui begaïe ils ont peur"inquiete toi pas" il m'a
sorti ce con! 14/03/01
15h06 salon 14
- 18 ans
Mais sans doute nous faut-il envisager cette idée du « bon
parlé » (en rapport avec le respect de la norme écrite),
au regard du caractère plus ou moins phatique des échanges.
L’âge des participants semble avoir une incidence non négligeable
sur la conception de l’interaction et la rédaction des énoncés. L’on
peut ainsi déduire, du nombre de participants actifs (apparemment plus
nombreux sur les salons 10-14 ans que sur les salons + de 40 ans) et de la
durée apparente de leurs interactions respectives, que les plus jeunes
sont aussi les plus attachés au contact phatique. Le nouveau dictionnaire
encyclopédique Ducrot précise dans sa définition du
terme phatique : « La parole est vécue comme constituant,
par son existence même, un lien social ou affectif ». Force est
de constater que la création du lien social est primordiale sur les
salons 10-14 ans, où les cyberconversations se limitent le plus souvent
à des échanges de salutations :
margot_riehl>
be_girl_funny> salut hevil_man>
be_girl_funny> salut frantzdream>
Salut a tous hevil_man>
frantzdream> salut jmolinier>
frantzdream> wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaazzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa frantzdream>
hevil_man> salut :-= be_girl_funny>
salut ca va margot et
hevil frantzdream>
jmolinier> wwwwwwwwwaaaaaaaaaazzzzzzzaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa jmolinier>
frantzdream> Salut tina.soon2>
jmolinier> wasa! praline111>
salut qui veut discuter avec moi??? hevil_man>
frantzdream> sa va? tina.soon2>
frantzdream> wassup! margot_riehl>
ca va 14/03/01
14h30 salon 10
- 14 ans#47
Sur les salons plus de 40 ans, la mise en contact semble plutôt
un préalable classique à l’approfondissement de ce lien
social. En ce sens, cette communication est moins phatique que « pleine ».
Mais il faut bien s’entendre sur la nature générale des
propos échangés sur le dialogue en direct de Caramail. Il
est temps de revoir notre définition de la cyberconversation, en mettant
l’accent sur les caractéristiques intrinsèques de la conversation. Avec
Vion, constatons une finalité « interne » de
la conversation, « … centrée sur le contact et la
réaffirmation des liens sociaux. Cette centration entraîne une
implication mesurée des sujets quant aux contenus échangés »
(Vion, 1992 : 135-136). La finalité de la discussion est toute
autre : « La discussion ne produit rien… Si ce n’est
l’essentiel : l’expression de la divergence (…) Dans
la discussion on cherche moins à s’entendre qu’à
justifier le bien fondé de sa thèse par rapport à l’autre »
(Bellenger, cité par Vion, Idem : 137). L’on
pourrait ainsi esquisser deux visions quelques peu différentes de la
finalité de l’interaction, entre conversation et discussion,
sur le dialogue en direct. Il faut pour cela adjoindre à notre perspective
la notion de coopérativité, dont on verra d’autres manifestations
concrètes plus tard. Certains
participants expriment parfois le désir de la centration des propos
autour d’un thème (activité groupale plus souvent observée
sur les salons + de 40 ans du fait, sans doute, de la plus grande maîtrise
des membres dans la construction d’un discours et d’un contexte
imaginaire commun.). Précisons que ce désir n’est pas
sans nous rappeler un réflexe de défense, qualifiée par
Lipiansky de « quête d’un sauveur » :
plusieurs fonctions sont en effet attendues d’un leader, et « surtout
qu’il « nourrisse » les participants, qu’il
comble le vide, qu’il les soulage de la responsabilité de « meubler
le silence » » (Lipiansky, 1992 : 78) Exemple : kspooch> il faudrait trouver un sujet parce que en ce moment c'est
salut, ça va? qui veut causer... 05/04/01 01h51
salon 10
- 14 ans#579 devel_or_angel>
g.guerrin> y veulent juste
trouver qq chose a faire
g.guerrin> devel_or_angel> oui mais on peus faire
autre chause que s'engeuler 05/04/01 01h51
Salon 10
- 14 ans#579 Selon une
hypothèse que nous développerons plus tard, « s’engueuler »
(sic) est une activité qui permet le maintien indéfini de l’échange,
les insultes elles-mêmes, étant en nombre infini. Ces dernières
apparaissent ainsi paradoxalement comme une ressource « sûre »
dans le maintien du lien (Cf. supra.) interpersonnel.
Une autre participante
exprime ci-après son souhait personnel d’établir une discussion
(ce qu’elle associe à la notion d’intelligence) :
naisana_lilas>
salut a tous, y at-il
des journalistes parmi vous ??? adpepper>
naisana_lilas> pkoi t'as besoin d'un
articledans VOICI???
cphankim>
Journaliste?
naisana_lilas> adpepper> J4AI BEASOIN D4AVOIR DES
DISCUSSIONS INTELLIGENTES SUR LE M2TIER DE JOURNALISTE
19/03/01 salon
25 - 30 ans#113
Il est une autre activité très particulière qui
mérite d’être signalée sur le plan de la coopération :
la réalisation, par un locuteur, de dessins ASCII qui focalise l’attention
des participants. Il s’agit d’une composition organisée
de multiples caractères ASCII dont l’association représente
la figuration d’une chose, d’un objet, d’un personnage
[5]
… On parle déjà d’ASCII Art, dans
les cas les plus élaborés, et l’on peut à cet égard,
qualifier cet « art » émergent de figuratif. Ci-après, un exemple de ce type
de dessin récolté sur le site http://www.hiersay.net/ascii.asp?:
il représente une bouche…
.adAMMMb. .dAMMMAbn. .adAWWWWWWWWWAuAWWWWWWWWWWAbn.
.adWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWWbn. ..adMMMMMP^~".--"~^YWWWWWWWWWWHHMMMMMMMMbn.. "~^Y" / ..dMWMP".ammmmdMMMUP^~" | Y dMAbammdAMMMMMMP^~" | | MMMMMMMMMMMMU^" l : Y^YUWWWWUP^" \ j
"-..,.^ Comme en avertit l’administrateur d’Hiersay, en
raison du poids graphique de ces dessins, « la diffusion d'ASCII Arts sur la majorité
des canaux est considérée comme une attaque (flood), merci d'utiliser
les dessins dans des canaux où ils sont tolérés, ou de les
réserver à votre usage personnel. » Par ailleurs, la signifiance de la figuration dépend
de la version choisie lors de la connexion au dialogue en direct de Caramail
(version HTML ou JAVA
[6]
) : en version JAVA, la mise en page est conservée,
qui matérialise et rend visible la forme représentée.
En revanche, en version HTML, les dessins apparaissent comme une suite incompréhensible
et non pertinente en terme d’informativité. L’exemple
ci-après est intéressant parce qu’il oppose deux réceptions
différentes d’un même message, et par là même,
deux interprétations différentes de la situation : dans un premier
cas (version JAVA) les compétences techniques de l’émetteur
sont louées
[7]
, sa production, purement spectaculaire, est encouragée ;
dans l’autre cas (version HTML), son comportement est dénigré
et son message perçu, pour lui même, comme insignifiant et même
dangereux pour le maintien des conversations duelles… Précisons
que l’extrait de cette séquence a été enregistré
en version HTML, ce qui nous permet de comprendre les désagréments
de ce genre d’activité lorsque la fonction typiquement poétique
[8]
de l’énoncé échappe au récepteur.
Ultime remarque, la séquence complète est beaucoup plus longue
que l’extrait choisi ici, mais celui-ci semble suffisamment significatif. Dans
l’exemple suivant, l’on évoque une représentation
d’un personnage de dessins-animés, Homer Simpson. En version
JAVA voici l’équivalent de ce dessin : .'/,-Y" "~-. l.Y
^. /\
_\_ "Doh!" i ___/"
"\ | /" "\ o ! l ]
o !__./ \ _
_ \.___./
"~\ X
\/ \ ___./ ( \ ___. _..--~~" ~`-. `
Z,-- /
\
\__. ( / ______)
\ l /-----~~" /
Y \
/
| "x______.^
| \
j Y
Ci-après, une représentation similaire (mais en version
HTML) de ce personnage par maxmaster, les commentaires positifs suscités
par une réalisation précédente (que l’on suppose
être ceux des utilisateurs de la version JAVA) sont en gras, les commentaires
négatifs (probablement liés à une utilisation de la version
HTML) soulignés… L’on notera que la signifiance des dessins
(la réception des messages au sens phatique) est stipulée par
des énoncés référentiels (Homer, deux mains…).
maxmaster>
mais c qd on le detruit pas qu'on le vois
le mieux... (…) la_danse_du_youkoulele>
maxmaster> oui yen a
ki cose pendant ke tu le fé c chiant (…) la_danse_du_youkoulele>
maxmaster> c mignon the.criminals>
maxmaster> t trop
fort (…) maxmaster>
¤ maxmaster>
¤ _ _ _ _ _ _ _ _ maxmaster>
¤ . ' / , - Y " " ~ -
.
maxmaster>
¤ l . Y ^ . maxmaster>
¤ / \ _ \ _ " D o h ! " maxmaster>
¤ i _ _ _ / " " \ maxmaster>
¤ | / " " \ o ! maxmaster>
¤ l ] o ! _ _ . / maxmaster>
¤ \ _ _ \ . _ _ _ . / " ~
\ maxmaster>
¤ X \ / \ _ _ _ . / maxmaster>
¤ ( \ _ _ _ . _ . . - - ~ ~ "
~ ` - . maxmaster>
¤ ` Z , - - / \ maxmaster>
¤ \ _ _ . ( / _ _ _ _ _ _ ) maxmaster>
¤ \ l / - - - - - ~ ~ " / maxmaster>
¤ Y \ / maxmaster>
¤ | " x _ _ _ _ _ _ . ^ la_danse_du_youkoulele>
maxmaster> homer !!!!!!! maxmaster>
¤ | \ maxmaster>
¤ j Y maxmaster>
lol maxmaster>
vive les simpsons!!! eric_tang_le_pd_01-45-92-28-82>
vs etes tous des con (…) sozer78>
WESH LES GENS QU'ES QUI SE PASSE LA HAUT!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! maxmaster>
¤ ` - - - , ' ` \ ` \ _ , - ' 34.lili>
tu sai faire que ca maxmaster>
¤ ( ` \ ) la_danse_du_youkoulele>
maxmaster> 2 mains?!? maxmaster>
¤ ` - - - ' ` \ _ , - '
melynda_the_tip_top_cool_girls>
maxmaster> ARRETE!! TU VAS TE FAIRE EJECTER f-d-bite>
il est bien homer maxmaster>
la_danse_du_youkoulele> vi une poignee
de main... maxmaster>
melynda_the_tip_top_cool_girls> tu
reves ? maxmaster>
lol melynda_the_tip_top_cool_girls>
maxmaster> BEN ARRETE T'ES CONNERIES ! maxmaster>
melynda_the_tip_top_cool_girls> prkoi
?
melynda_the_tip_top_cool_girls>
maxmaster> laisse tomber 21/03/01 14h08
salon 10
- 14 ans#218 Et l’on
comprend bien également l’embarras de melynda_the_tip_top_cool_girls,
qui, dans son dernier énoncé renonce à expliquer sa gêne
au regard de l’admiration par ailleurs exprimée par d’autres
sur la cause de son trouble…
Il est entendu que certaines communautés sont plus favorables
que d’autres à l’expression de la divergence. Et nous verrons
que la communauté caramail ne rechigne pas à la confrontation.
Mais il s’agit souvent moins de confrontation d’arguments ni même
d’opinions, que de confrontations de personnes… Nous dénommons
donc cyberconversations ( et non cyberdiscussion, terme qui pourrait sans
doute s’appliquer plus justement aux forums de discussion s’ils
n’étaient asynchrones) les échanges interactionnels synchrones
sur internet, dont on sait, par leur examen, qu’ils ont un caractère
informel, relativement spontané et peuvent être qualifiés
de familiers. Bange considère la conversation comme un « système
d’interaction à but final zéro, ou du moins tendant vers
zéro. » (Bange, 1992 : 30). Sur
le chat, il est entendu que l’on parle de tout (l’idée
de tabou est repoussée, nous le verrons) mais surtout de rien…
Comme le signale justement Josianne Jouêt, il y a "homologie entre
l’immatérialité de l’échange et la superficialité
des relations sociales"
[9]-1
. Du trivial et du vulgaire, voilà ce dont se compose
essentiellement le chat, dans un environnement qui favorise
la désinhibition. Aussi, nous faut-il rechercher ici, les répertoires
du débat public ailleurs que dans ces formes les plus nobles. Récuser,
à l’instar de Neveu, ce qu’il nomme « la dichotomie
durcie du sérieux et du vulgaire
[9]
» Mais nous sommes là déjà
de plain-pied dans la conception de la relation interpersonnelle au sein de
la communauté caramail…
2)
Conception de la relation interpersonnelle :
Selon Kerbrat-Orecchioni, la conception et l’expression de la
relation interpersonnelle au sein d’une communauté peuvent être
examinées essentiellement sous trois angles : La
relation « horizontale », la relation « verticale »
et l’axe du consensus opposé au conflit. (Kerbrat-Orecchioni,
1998b : 72). En nous rapportant à ses critères l’on
peut ainsi caractériser les interactions sur le dialogue en direct :
-
Quant à la distance (relation « horizontale ») : La communauté caramail semble se rattacher, par
ses caractéristiques interactionnelles, à des sociétés
à éthos de proximité : plusieurs marqueurs
sont ainsi observés :
·
La nature des normes proxémiques : l’on
a évoqué précédemment comment les participants
usent des caractères typographiques pour simuler le contact physique
(xxxxxx, :-@, (( ))…). Nous n’insisterons pas
sur cet aspect, assez peu significatif dans le cadre des échanges médiatisés.
·
Les modalités de l’adresse sont
en revanche plus instructives : l’on note par exemple l’usage
exclusif du tutoiement entre les membres. Le pronom personnel « vous »
n’est employé qu’en référence à l’ensemble
du groupe… Ce, indépendamment donc de la désignation d’un
destinataire pour le message :
cold-smoke>
lepoint01> avec vous..... vous avez prouvé
a quel point vous etes des menteurs et que vous vous etes juste approchés
de moi pour etre plus proche de just (…) linconnu1976>
cold-smoke> pkoi tu le vouvoie... (…) cold-smoke> linconnu1976> parce qu'il n'est pas le
seul a avoir agit de la sorte 19/03/01
16h30 salon
Informatique
Hormis le tutoiement, un autre indicateur
important de la conception de la distance réside dans les appellatifs
familiers dont se créditent les membres… Nous verrons que c’est
là une caractéristique fondamentale de la construction du lien
communautaire. eurydice_la_douce> sylvette2001> désolée
ma puce! je peux pas t'aider! 21/03/01
16h Salon
30 - 40 ans#151
antony_xrs> lepoint01> slut mon canard 19/03/01
16h30 salon
Informatique
La notion de proximité, dans un cadre médiatisé, nous
impose quelques précisions : D’abord, à la suite
de Jacky Simonin
[10]
, nous constatons que « la catégorie du
« proche » et du « lointain »
ne se mesure pas à la seule aune du nombre de kilomètres ».
La proximité, comme la distance, relève en effet davantage de
la perception subjective que de la définition physique ou géographique :
l’on parle alors du « sentiment d’appartenance communautaire ».
(Idem) Notons également qu’il n’y a pas de condition prérequise,
d’interconnaissance préalable ou de relation de services nécessaire
à la mise en contact des interactants.
Comme le souligne pertinemment Reid : « Until
recently, physical contact was almost always a prerequisite for communication,
with letters mainly being transmitted between people who had met in the flesh.
Even the telephone assumes physical contact. It is generally only in the business
world that people phone others whom they have not met, and personal telephone
conversations are, as in the case of letters, conducted between people who
are already known to each other. » (Reid, 1991). La question de l’interconnaissance des participants
est délicate. Elle n’est pas un préalable ni une condition
à la poursuite de l’échange. Toutefois, un nombre certain
de rencontres sur le chat se prolongent dans la vie réelle, ou par
d’autres moyens médiatisés comme le téléphone
(N.D.R. depuis la soutenance de ce mémoire, en octobre 2001, le site
caramail propose un service dit "Caraline" permettant à deux
interlocuteurs à partir du chat, de prolonger leur discussion via une
ligne téléphonique "neutre") … Dans quelle proportion ?
La réponse à cette question a des implications considérables
sur le paradigme d’adjonction ou de substitution des relations réelles
par les échanges virtuels. in.the.hands.of.an.angel> k-ro-j> il ne t'a jms invitée ? tu es d'ou ?
k-ro-j> in.the.hands.of.an.angel> si il m'a invité mais jai pas voulue monter
a paris 19/03/01 17h28 Salon 25 - 30 ans#113
just.4u.r.i.p> lepoint01> quant a toi viens pas me téléphoner
en me demandant d'etre ton frerot si c pour me dire de jarreter après 19/03/01
16h30 salon Informatique
Il nous faut par ailleurs prendre en compte ce que Latzko-Toth qualifie
de paradoxe : « paradoxe de la pratique collective de ce système de communication
non seulement désincarnée, mais aussi « déterritorialisée »,
(…) [qui] a abouti à la formation de communautés locales
d'usagers, c'est-à-dire
ancrées géographiquement, et dont le mode d'« être-ensemble »
oscille entre la communication médiatisée (IRC, site Web « officiel »
du canal, « babillards électroniques » asynchrones...)
et le face-à-face, notamment au cours de fêtes collectives (« get
together » ou GT en anglais). (Latzko-Toth, 2000) Deux remarques : Concernant les fêtes collectives,
citons cette invitation officielle de l’administrateur envoyée
à tous les détenteurs d’un compte caramail à la
fin de l’été 2001 :
Les
évènements du mois (24/8/2001)
1ère soirée Caramail à Marseille !!! C’est
à Marseille que Caramail fêtera la rentrée jeudi 6 septembre
! Une
excellente occasion de retrouver tous ses copains et de s’en faire de
nouveaux sous les « tropiques » de la Maronaise! Tous
les caramailiens de Marseille et de ses alentours seront attendus jeudi 6
septembre dès 00h00 à la Maronaise pour une soirée digne
de la planète Mars…eille ;-). Retirez-vite vos invitations!
L’on peut par ailleurs voir une forme
de « tropisme » géographique, pour reprendre
l’expression de Latzko-Toth, dans la création de canaux ou de
salons spécifiques à une région ou une ville. Reste que
souvent, l’origine géographique commune et la proximité
de résidence sont créatrices de liens et favorisent le partage
d’intérêts :
a.laddy> petite_abeille6>
salut voisine (…) petite_abeille6> a.laddy> alllo (…) petite_abeille6> a.laddy> d'ou es tu? (…) a.laddy> petite_abeille6>
100 km vers le bas du fleuve (…) a.laddy> petite_abeille6>
ou exact toi (…) petite_abeille6> a.laddy> ohhh voisine pour vrai alors...lol (…) a.laddy> petite_abeille6>
montmagny moi (…) petite_abeille6> a.laddy> oh moi pres de st-pascal (…) lormaka> a.laddy>
pres de nous toi a peine 100km petite_abeille6> a.laddy> montmagny j'y vais pour acheter de la laine 16/04/01 salon 40 ans et plus#562
Abordons maintenant la conception de la relation interpersonnelle,
-
Quant au pouvoir (relation « verticale ») :
La valorisation des notions d’égalité
et de convivialité prônée notamment dans la charte d’adhésion
au serveur tend à caractériser la communauté caramail,
comme « ethos égalitaire ». L’égalité
(accentuée par le caractère anonyme des relations) y constitue
une sorte d’idéal interactionnel. Rappelons qu’il ne s’agit
pas de décrire des structures sociales, mais des normes communicatives,
« c’est-à-dire des comportements dominants, en tant
qu’ils sont sous-tendus par des systèmes de valeurs »
(Kerbrat-Orecchioni, 1998b : 78)
·
L’on peut interroger la symétrie
apparemment généralisée des comportements puisque l’on
sait que « plus le comportement adopté par les partenaires
de l’interaction (…) est symétrique plus il connotera l’égalité
interactionnelle » (Ibid. : 74). En la matière, nous
verrons que l’examen des échanges réparateurs laisse apparaître
clairement des processus fréquents de schismogénèses
symétriques, selon la terminologie de Bateson. (Cf. Supra.).
·
Plus généralement, il faut constater
que l’inter-synchronisation des locuteurs est déterminante dans
l’ensemble de leur production langagière, et pas seulement, comme
on l’a vu précédemment, dans la prise du tour de parole.
Cette inter-synchronisation, qui confine à la
symétrie, et qui ne peut être confondue avec la notion d’égalité,
peut apparaître dans le réemploi d’expressions idiomatiques :
l’exemple suivant est extrait d’une séquence d’observation
participante, où une situation de rupture est instaurée..
poischiche00> retho7> hé bah alors ma poule...
on trouve plus son clavier???!!!! (…) retho7> poischiche00> tu t endormi sur le clavier ma poule 05/04/01 01 h51 salon 10-14 ans #579
Autre exemple, qui concerne l’organisation
des échanges cette fois. L’adaptation d’un participant
à l’absence de mention de destinataire, des énoncés
de son interlocuteur. L’ajustement consiste ici, comme lui, à
ne plus désigner de récepteur :
amie33> allo rezi1> amie33> enfin amie33> rezi1> rezi1> cool rezi1> bonsoir rezi1> on a tout le salon pour nous deux rezi1> amie33> toctoc rezi1> t'es tjrs la amie33> rezi1> ben pas juste pour nous deux mais
y a pas grand monde qui parle en tout les cas amie33> surment tous en privé 14/04/01 22h01 Salon 30 - 40 ans#550
Cette forte idéologie
égalitaire, partagée d’ailleurs par les sociétés
occidentales (Ibid. : 79), est, dans les faits, souvent battue en brèche :
D’abord
car techniquement, les participants ne disposent pas des mêmes compétences
informatiques. Ensuite parce que de réelles relations hierarchiques
(même si elles sont peu contraignantes) existent entre les membres « ordinaires »,
les membres créateurs de salons, les modérateurs, capables d’éjecter
un membre à la conduite déviante et les administrateurs. Cette
distinction n’est pas sans lien avec celle constatée par Latzko-Toth,
2000, « Le
collectif formé par l'ensemble des usagers d'un réseau IRC présente
un degré élevé de structuration en termes de rapports
de pouvoir. Aux deux catégories d'usagers évoquées plus
haut (celle d'« usager-lambda » et celle d'opérateur
de canal), il faut ajouter celles d'opérateur IRC (ircop) et
d'administrateur IRC (irc admin). » Afin
de brouiller ces inégalités de statut, certains tentent de contourner
les procédés techniques, et n’hésitent pas, ce
qui pourrait paraîre étonnant à celui qui ignore les lois
du hacking, à diffuser et partager leurs trouvailles. Le salon informatique
est particulièrement intéressant à observer sur ce point.
Ci-après
une illustration avec l’adresse (généralement tenue secrête)
des administrateurs du réseau. Précisons que cette adresse était
valide lors de la diffusion de l’information :
Le domaine réservé des modérateurs résidant dans leur capacité à éjecter des membres des salons, là encore, l’on note des pratiques dites « nuking, qui, ciblées sur des individus, ont pour but de provoquer la déconnexion d'IRC, voire d'Internet, et même, dans certains cas, le « crash » de leur micro-ordinateur, qu'ils doivent alors réinitialiser » (Latzko-Toth, 2000) Il n’est d’ailleurs pas exclu qu’elles soient employées à l’encontre même de leurs auteurs…
le_dragueur_de_fille> je
vous donne un truc de siecle !!!
le_dragueur_de_fille>
si vous voulez virer qq
du salon, cliquez sur son pseudo et clique ensuite sur pas de nouveau PVs
juska ke lotre se fait ejecter
le_dragueur_de_fille>
ya un petit con ki se fe
deja ejecter
21/03/01
Salon Informatique#1
Généralement, il nous faut considérer que le sentiment
d’égalité prévaut. Même si pour Reid (mais
son étude remonte déjà à 10 années, et
le processus de popularisation d’internet, loin d’être achevé
est quand même aujourd’hui bien entamé) « Interaction
on IRC is then carried out in the knowledge that users are on a rough equality
- according to conventional economic measures - and members of similarly privileged
social groups. This 'equality' is not intrinsic to IRC, it is a by-product
of the social structures surrounding computer technology. » (Reid, 1991)
Par ailleurs, l’éthos égalitaire peut être déduit
de l’absence de préséance imposée lors de l’ouverture
des cyberconversations, les formes de l’adresse sont symétriques…
Une seule exception, recensée sur le salon informatique (mais ce n’est
certainement pas un hasard, si l’on admet que la thématique informatique
favorise au sein du groupe une certaine hiérarchisation des individus
selon leurs compétences techniques). Ce cas semble très spécifique…
just.4u.r.i.p>
agony-the_horned_owl>
j'ai pas vu si tu m'asa parlé avant
agony-the_horned_owl>
just.4u.r.i.p> non,
non...juste un msg vocal
just.4u.r.i.p>
agony-the_horned_owl>
et je ne vais pas aborder les autres sans qu'ils l'aient fait, ca risque d'en
facher et je voudrais pas
19/03
Salon info
Nous conclurons que le sentiment égalitaire
sur le chat prévaut, notamment par la volonté de l’administrateur
Caramail d’instaurer un climat convivial. Mais cette égalité
n’a rien de pacifique : la propension à l’affrontement
au sein de la communauté est un autre trait caractéristique
du profil communicatif des membres.
-
Le conflit vs le consensus :
Kerbrat-Orecchioni oppose « les
cultures qui se caractérisent par la recherche permanente du consensus,
et l’évitement systématique des conflits (…) et
les cultures à éthos plus « confrontationnel »,
qui se montrent beaucoup plus tolérantes, voire bienveillantes, envers
la communication conflictuelle… » (Kerbrat-Orecchioni, 1998b :
83)
Premier constat, sur le dialogue en direct
de Caramail, l’ensemble des interactions n’est pas homogène
: la recherche de consensus et les comportements d’accommodement sont
généralement appliqués en l’absence de strictes
mesures correctrices, mais on va le voir, la communication conflictuelle tient
également une grande place.
Et il nous faut d’abord évoquer ces situations relativement
fréquentes, dénommées
sur IRC, « flaming », et qui qualifient justement des
échanges « enflammés ». Herz, dans son
récit romancé, fournit cette description : « La
flamme, c’est le lüger verbal que dégainent les usagers
du Net. Pour une quelconque raison (anonymat ?, atrophie de la personnalité ?,
ennui existentiel ?, isolement physique ?), ces derniers (…)
sont toujours prompts à lancer de ravageuses attaques ad hominem. (…)
Le but, c’est de se montrer plus malin, plus humiliant, plus agressif
(…) que l’adversaire. » (Herz, 1996 : 40).
Reid signale que l’expression de la colère, des insultes et
de la haine est un phénomène commun à toutes les formes
de C.M.O., et que IRC ne fait pas exception. Le chat de Caramail en est également
le reflet. Il nous semble devoir expliquer ce type d’échanges
par le sentiment sécuritaire lié à l’environnement
anonyme : « The safety of anonymity
(…) can also encourage "flaming", which Kiesler, Siegel and
McGuire define as the gratuitous and uninhibited making of "remarks containing
swearing, insults, name calling, and hostile comments. » (Reid,
1991). Citée par Verville et Lafrance, Reid souligne que « l’effet immédiat
de l’environnement anonyme est de procurer aux utilisateurs une impression
de sécurité. Protégés par les terminaux de leurs
ordinateurs et parfois séparés par des milliers de kilomètres,
les utilisateurs sont conscients du peu de chance qu’une action virtuelle
produise une réponse réelle. » (Verville et Lafrance,
1999 : 199)
Il est intéressant de constater malgré la distance qui les sépare, que les membres en viennent malgré tout parfois à se promettre de recourir à la force physique.
Exemple :
manequin.lu>
greyfox3_et_prost2>
ATTEND J AI PAS PEUR D UN PETIT CON DE TON GENRE BEN VA S Y DONNE MOI TON
ADRESSE SI TA PAS PEUR BOUFFON
(…)
greyfox3_et_prost2> manequin.lu> de Calais tu vas descendre pour te faire détruire
t débile ma parole!!!
14/03/01
15h06
Salon 14 - 18 ans
Ou encore :
15/03/01
salon 14-18 #140
L’on
note avec Kerbrat-Orecchioni que « dans une même société,
les normes d’expressivité peuvent varier considérablement »
(Kerbrat-Orecchioni, 1998b : 87). L’âge, le sexe pourraient
être notamment des critères de variation importants sur le dialogue
en direct… Nous tenterons plus loin, dans l’examen des échanges
réparateurs, d’en préciser mieux la mesure.
La communication
conflictuelle (les flammes) se matérialise essentiellement par la production
d’énoncés que nous qualifierons d’injurieux et grossiers
au regard de la bienséance coutumière en face à face.
Nous reviendrons longuement sur la question de la désinhibition engendrée
par l’absence de contact physique entre les interactants. Mais intéressons
nous d’abord à la fonction de ces gros mots, et autres expressions
offensantes.
L’injure
très fréquente sur le chat doit, au sens de son
étymologie, être entendue comme « un « acte »
de parole, un « coup » qu’un sujet porte sur un
objet : le latin offendere signifie primitivement « heurter,
porter un coup » (Guiraud (1975) 1991 : 27).
max5555> CA COMMENCE A ETRE MORT ICI!!!!
je_parle_a_un_con------------l>
vouai g tué une
vieille tte à l'heure
je_parle_a_un_con------------l>
elle avait 43 ans
max5555> comment?
je_parle_a_un_con------------l>
je lui balancé
son identité,son num de tel
je_parle_a_un_con------------l>
elle a pas voulu repondre
à une kestion simple
je_parle_a_un_con------------l>
elle a fé un e
crise cardiaque je pense
je_parle_a_un_con------------l>
tte maniere elle etait
vieille
chantal.06>
je_parle_a_un_con------------l> de ki
tu parle
je_parle_a_un_con------------l> chantal.06> de la regrettée
brigitte XXX
chantal.06>
je_parle_a_un_con------------l> ok
18/04/01
salon 40ans
et plus #603
L’injure
[11]
nous dit Guiraud, est « l’expression d’une
volonté de puissance. Mais une volonté de puissance inefficace
et insatisfaite, qui n’est qu’un désir de puissance frustré,
et en fait, une impuissance. » (Guiraud (1975) 1991 : 119).
Les gros mots, plus généralement, ont pour fonction de dévaloriser
les choses qu’ils nomment en même temps que les gens auxquels
ces choses s’appliquent » (Idem. : 27). Nous noterons
par ailleurs que l’obscénité en constitue la source la
plus spontanée et la plus riche. On peut qualifier d’obscènes,
les propos qui offensent ouvertement la pudeur, et qui réfèrent
généralement à la sexualité ou la scatologie…
Ils sont par nature grossiers et tendent à « imager, à
mettre en relief le corps et ses fonctions ; en particulier les plus
basses. » (Ibid : 21).
La suite de l’extrait
précédent illustre deux effets induits différents de
la grossièreté : un « effet naturel »,
attaché à la nature de la chose désignée ( « c’est
ainsi que « merde » et « foutre »
sont « naturellement grossiers » »)
(Ibid. : 22), et un effet « par évocation »,
dans « la nature des classes sociales qui s’y réfère »
(exemple : « chiottes »)
max5555> chantal.06> tes bien conserve?
chantal.06>
max5555> pour une vieille oui
rej33> chantal.06> hello tu vas bien
max5555> chantal.06> oui c vrai que tu pourra jamais
etre aussi bien que mon objet)
max5555> rej33> attaque il parait quelle a un beau
cul et en + elle sait bien faire les chiottes
chantal.06>
max5555>tu devarsi aller faire dodo
rej33> max5555>
domage que tu soit si stupide
chantal.06> devrais
rej33> chantal.06> vaut nieux les ignorer il
paelera tout de seul
max5555> chantal.06>
toi tu devrai faire les chiottes
chantal.06> max5555> va te faire foutre
L’on peut envisager que le recours si fréquent à la grossièreté et à l’obscénité répond également dans les cyberconversations à des fins purement expressives dans un contexte marqué par la matérialisation graphique des rares relais intra-interactionnels (smileys, acronymes de direction…) : en effet, Guiraud nous ouvre une perspective intéressante en considérant que l’emploi de termes grossiers comporte « des motivations onomatopéïques ou métaphoriques qui épaississent, matérialisent et animalisent » (Ibid : 23-24). (« Chiottes », nous dit-il, est sur ce point, dénotativement fort bien fait et adéquat).
Les insultes et autres injures se proférant en toutes lettres sur
le dialogue en direct, nul besoin de guetter les offenses dans une tonalité
de voix ou une mimique. « Le problème ce n’est pas
que le code ASCII soit un médium trop restreint, au contraire c’est
que le texte en dit trop. (…) Ces accès de fureur ne naissent
pas d’une incompréhension mutuelle, mais au contraire du fait
que nous nous comprenons trop bien » (Herz citant Mike Godwin de l’Electronic
Frontier Foundation, 1996 : 316)
Précisons que le contenu prosodique et sémantique des propos
injurieux n’est pleinement perceptible qu’à la « faveur »
d’une co-présence in situ des interactants selon Guiraud (1975) 1991 : 37.
L’on constatera toutefois avec l’exemple suivant, que l’ironie
dont est empreint le deuxième énoncé de surfeuse211 (qui
met en doute la sincérité de melynda_the_tip_top_cool_girls),
est parfaitement décryptée malgré la co-présence
« de situation » et qu’une interjection typiquement
vocale précède un énoncé offensant (ho la ferme…
) L’ensemble est par ailleurs une illustration parfaite de schismogénèse.
surfeuse211>
melynda_the_tip_top_cool_girls>
tu es jalouse de maxmaster
(…)
melynda_the_tip_top_cool_girls>
surfeuse211> non pas du tout !
(…)
surfeuse211> melynda_the_tip_top_cool_girls> ces sa
melynda_the_tip_top_cool_girls>
surfeuse211> ho la ferme petasse !
surfeuse211>
melynda_the_tip_top_cool_girls>
ta gueule connasse
melynda_the_tip_top_cool_girls>
surfeuse211> sale prostituée du luxe !
surfeuse211> melynda_the_tip_top_cool_girls>
patesse put connass salop
21/03/01
salon 10-14 ans #218
Yves Winkin, dans la nouvelle communication, nous renseigne sur la notion de schismogénèse symbolique :
« (…) dans Naven,
Bateson avait décrit sous le terme de « shismogenèse »
(complémentaire et symétrique) les conditions de possibilités
d’éclatement d’un système social. » (1984 :
34-35) « Il distingue une shismogenèse « symétrique »,
où les interactants répondent au don par le don (potlatch), à la violence par la violence, etc., d’une
shismogenèse « complémentaire », où
les partenaires s’enfoncent de plus en plus dans des rôles du
type domination/soumission ou exhibitionnisme/voyeurisme. » (1984
: 29-30). L’on peut y voir deux formes de feedback, négatif et
positif, illustrés par les schémas suivants
[12]
Dans l’extrait précédent, l’on peut manifestement parler de schismogénèse symétrique…
Et
il semble bien que ce soit là un processus sinon banal, du moins fréquent
sur le dialogue en direct de Caramail. Pour autant, il ne faudrait pas se
laisser abuser par la grande « visibilité » des
échanges enflammés, et l’apparence de situations de blocage
aussi inextricables que prévisibles. En effet, les cas de schismogénèses
dites compléméntaires sont également nombreux.
15/03/01
salon 10-14
ans
L’exemple
suivant, plus exceptionnel, est extrait d’un salon « plus
de 40 ans » ; il est remarquable par l’auto-dégradation
que s’inflige le premier locuteur. Il s’agit d’une offense
portée par le locuteur à sa propre face positive (typiquement
un aveu d’impuissance selon Guiraud, pour qui le « con »
est le symbole « de toutes les passivités, de toutes les
aliénations (…) Le" con" c’est l’ « objet »
par rapport au « sujet », le « monde »
par opposition au « moi ». (Guiraud (1975) 1991 :
67)). La rétroaction est également qualifiée de négative.
serge..kole> kryskool> le plus grand des con qui c'est,,,,???
serge..kole> kryskool> c'est MOI
1aakita> serge..kole> toi
(…)
1aakita> serge..kole>
toi casse toi elle va avoir peur si elle te vois
serge..kole>
1aakita> qui ca
1aakita> serge..kole>
toi avec ta tronche t'es laid beurkkkkk
(…)
serge..kole> je part
16/04/01
salon
40+#562
« Dans l’un et l’autre cas, [schismogénèse symétrique et complémentaire] l ‘exacerbation des comportements engagés dans ces mouvements en spirale peut conduire à déséquilibrer et à renverser le système social. » nous dit Winkin (1984 : 29-30). L’on constate sur le dialogue en direct d’une façon générale, que la durée d’un processus de schismogénèse en particulier symétrique engagé entre deux participants est certes variable, mais ne doit pas être envisagée au regard des usages du face à face. En raison de l’anonymat et ses corollaires (l’impossibilité de recourir à des représailles brutales notamment), la durée de l’échange peut être très longue. Ce dernier finissant par monopoliser et focaliser toute l’attention du salon : on peut donc en conclure qu’un processus d’équilibre, collectif cette fois, se met en place sous une forme de supra-shismogénèse complémentaire, dans la mesure où les comportements déviants sont exhibés et les productions scrutées…
·
procédures de règlement et de prévention des conflits
Intéressons nous aux procédés mis
à disposition des membres pour gérer les moments de crise. Les
procédures de règlement des conflits sont soit privées
soit institutionnalisées :
Les premières sont de nature essentiellement verbale :
Ici, un recours à des remerciements
anti-phrastiques qui ont une fonction de couperet:
salon 40ans et plus #48
Plus classiquement, les participants
tentent l’évitement, formalisé verbalement à ce
stade.
prost2> je vai te detruire moi aussi manequin
(…)
manequin.lu> prost2>
TOI J TE CAUSSE PAS
14/03/01
15h06
salon 14 - 18 ans
anne-lise.lisou>
naisana_lilas> J'ai
pas envie de te parler ! J'fais c'qui m'plais !
19/03/01
salon 25-30#113
Enfin, troisième option privée, le départ pur et simple
des offensés du salon. Reste que « ceux qui ferment les
yeux doivent accepter en tout cas pour un moment, une menace publique aussi
bien sur les normes d’interaction que sur l’évaluation
du moi que ces normes aident à protéger » (Goffman,
1988 : 101)
En matière de procédés institutionnalisés, il
faut évoquer la possibilité de recours à des modérateurs,
et à la fonction « ignorer » du système.
Comme on l’a dit, les modérateurs ont la capacité enviée
par certains, d’éjecter les individus dont le comportement est
jugé inapproprié. Toutefois, il semble difficile, au vu de notre
corpus, de définir précisément ce qui est approprié
de ce qu’il ne l’est pas, si l’on considère uniquement
le recours à cette sanction ultime (bien que relativement fréquente)
qu’est l’ejection d’un membre.
666.mandragore>
ambre.z pk jouer avec
des jeunes tu crois que tu pourras les baisers + facilement?
666.mandragore>
ambre.z tu n'ais qu'une
garce qui fuit c responsabilitée
(…)
666.mandragore>
ambe.z je ne suis pas
pres de te lacher je travail sur le net 10h/jour
666.mandragore
a été éjecté(e).
21/03/01
salon 10-14#218
Il faut en effet considérer l’aspect logistique du dialogue en direct. Orianne Garcia, directrice générale de Caramail.com, reconnait dans une interview au magazine Net@scope N°42, que seulement 10 modérateurs sont employés par l’entreprise, (auquels il faut adjoindre une trentaine de bénévoles, majeurs, ayant adhéré à une charte) et que « c’est difficile de tout contrôler quand on a plus de 1000 salons en simultané » ( : 49).
Précisons que la présence des modérateurs au sein des salons nest pas manifeste, (sauf à connaître les pseudos de tous les modérateurs, ce qui semble difficile), et que les membres peuvent avoir recours à leur service, mais sans garantie quant à leur action : il nous semble au final que la sanction est de ce fait relativement arbitraire.
À plusieurs reprises, nous
avons tenté par des observations participantes, voire par la rupture,
de mettre en lumière linterprétation par les membres de
léjection (bannissement ?) dun individu
Dans lexemple
suivant, lindividu éjecté ne participait pas au salon
:
ektor1 a été éjecté(e).
(…)
poischiche00>
Pardon mais... pourquoi
ektor a t'il été ejecté???
ludok1> because il est con!!!
(…)
poischiche00>
ah!!!!! Tout s'explique!!!!!
(…)
poischiche00> Mais encore?!!!! Allez Ludok explique
quoi!!!!
poischiche00>
scuzez moi d'insister
mais...
b-lanca>
poischiche00> mes excuses
poischiche00>
qq peut'il m'expliquer
pourquoi certain se font ils éjecter?!!!
satanelle>
poischiche00> quand il font connerie
sur le chatt
b-lanca>
poischiche00> parce qu'ils sont grossier
com ludok1
poischiche00>
connerie quel genre?!!!
satanelle>
poischiche00> sur ta page tu a en jaune
IL Y A UN PRB DE COMPORTEMENT
satanelle>
ET QUAND IL Y A DU MONDE QUI DUIT DES
GROS MOT QUI INSULTE
satanelle>
qui monopolise le dialoge commm ca
poischiche00>
tout le monde est grossier
à ce que j'ai pu voir!!!
satanelle>
......................
satanelle>
........................
satanelle>
.........................................
b-lanca>
satanelle> alors on est pas tous grossier
satanelle>
b-lanca> EN effet tu peu echanger des
mots plus doux c'est pas mal
(…)
poischiche00>
merci de vos remarques!!!
Pitié... ne me dénoncez pas!#05!!
satanelle>
poischiche00> haaaaaaaaaa non on va setre gentill avec toi
15/02/01
salon DOM-TOM#58
Globalement,
les membres ne semblent pas s’offusquer outre mesure de l’application
d’une telle sanction :
poischiche00>
kelk'1 peut me dire pourkoi
mandragore a été éjecté?
chris3040>
poischiche00> il a ete ejecte parce
qu'il faisait des conneries
21/03/01 14h08
Salon 10 - 14 ans#218
Dans l’extrait
suivant, le recours à ce procédé institutionnalisé
de règlement du conflit que représente la requête auprès
d’un modérateur est enclenché, non par l’offensé
mais par un tiers (rej33). Nous tentons par une situation de rupture de mesurer
le sentiment de légitimité qui a motivé un tel recours
au dispositif. Nous intervenons sous notre pseudonyme réel :
rej33> chantal.06> jai demander a ce quil soit
expulser
chantal.06>
rej33> merci
veronique-mattio>
rej33> T'AS PAS HONTE?
rej33> chantal.06> et quoi de bon toi aujourdhui
rej33> veronique-mattio> honte de quoi
max5555> rej33> bonne resolution il faut les mater
c petits impertinents
chantal.06>
rej33> c tranquille
rej33> chantal.06> oui mais soleille alor la
cest ok
veronique-mattio>
rej33> ben de demander
qu'il soit expulsé!
rej33> veronique-mattio> quand on insulte les
gens cest comme ca
max5555> rej33> moi aussi je suis de ton avis c
jeunes nont aucun respect
veronique-mattio>
rej33> et moi qui croyait
que le net c'était La Liberté!!!
chantal.06>
max5555> tu etais aveclui
rej33> veronique-mattio> il y a une certaine
liberte jen convient il taurait dit las meme chause a toi meme et jaurais
fait pareille amitier rej33
18/04/01
salon 40 ans et plus#603
Lautre recours au dispositif, consiste à refuser de recevoir
les messages émanant dun locuteur désigné. Il sagit
de la fonction « ignorer ». Par cet acte, un individu peut obtenir
que tous les énoncés émis par un locuteur désigné
soient supprimés de son écran. Cet acte est uniquement spécifié
à celui qui en est lobjet (alors que la mention de léjection
dun membre est publiée sur chaque salon).
poischiche00>
hééééééééééé!!!!!!
LAURAWN PK tu m'ignores???!!!
(…)
retho7> poischiche00> il ne doit pas t aimer
05/04/01 01 h51
salon
10-14 ans #579
maxmaster>
la_danse_du_youkoulele> prkoi tu m'as
ignore ?
la_danse_du_youkoulele>
maxmaster> paske je me
suis trompé de pseudo scuse
21/03/01 14h08
salon 10 - 14 ans#218
On l’aura compris, la gradation des
sanctions et des procédures de règlement des conflits passe
d’abord par l’expression verbale. Si la stratégie corrective
échoue, ainsi que le recadrage normalisateur, les participants peuvent
recourir à des procédés techniques.
Un mot pour signaler que l’expression de l’affectivité est cultivée sur le dialogue en direct. L’expression des émotions est essentiellement formulée par le langage mais également par les imagettes.
L’usage des hypocoristiques, des termes de tendresse est particulièrement
notable, de même que les laudatifs « formidable, épatant…
qui expriment l’affection, l’admiration, la sympathie du locuteur
à l’égard de la personne ou de la chose dont il parle »
(Guiraud (1975) 1991 : 30).
tendre11> salut
les amours
16/04/01
40 ans et plus#562
ou encore :
maamar22> lolo1095>
salut mon coeur sa va
(…)
lolo1095> maamar22> ouais et toi mon amour
21/03/01 14h08
salon 10 - 14 ans#218
Enfin, il nous faut évoquer, pour compléter le profil
communicatif de la communauté caramail en matière de conception
du conflit, le caractère ludique de l’activité qui encourage
sans doute de nombreuses relations à plaisanteries, et autres insultes
rituelles.
Nous reviendrons plus loin sur la notion de jeu, toutefois, il faut insister
sur la légèreté qui caractérise l’ensemble
des interactions. Comme le signale Goffman (1988) la légèreté
entraîne une sorte de profanation rituelle non sérieuse
du locuteur ou des destinataires. Les « relations à plaisanterie »
en sont une conséquence typique : cette expression « désigne
en anthropologie sociale un privilège spécial de familiarité
et d’irrespect entre deux personnes. » (Goffman, 1988 :
105). L’âge est probablement également une donnée
importante.
Nous ne fournirons à ce stade qu’un seul exemple :
cold-smoke> sylvain> JE T'EMMERDE ptdr
19/03/01 16h30
salon Informatique
[1] « Ethos » : « Partie de la rhétorique traitant du caractère de l’orateur et de ceux auquels il s’adresse, de leur affectivité » (dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, 1994 coll. Trésors du français, Edition Larousse)
[2]
Les participants étant libres de leur
description (Âge, Sexe, Ville), rien ne les contraint à s’y
soumettre, a fortiori honnêtement. Toute donnée à
caractère personnel, mise en ligne volontairement par son auteur, doit
être considérée comme vraisemblable, comme
auto-attribuée, sans valeur statistique ni représentative…
En revanche, c’est une mine, en termes de représentation de
l’acteur par lui-même.
Cf. Infra.
[3] Cf. Le
langage, textes choisis et
présentés par Ludwig P. (1997), coll. Corpus, GF
Flammarion : 184-185
[4] Bernard Minet a officié aux côtés de Dorothée (animatrice et productrice à succès aujourd’hui absente des écrans) sur la deuxième chaine de la télévision publique durant de longues années, grâce auquelles il se vante d’avoir marqué des milliers de petits français aujourd’hui agés de 25 à 30 ans (thématique de ce salon)
[5] Un smiley est une association de caractères bien sommaire au regard des potentialités de l’ASCII…
[6] A l’heure de rédiger ce mémoire, en septembre 2001, le support technique de Caramail a ôté depuis quelques semaines la possibilité d’une connexion en version HTML… Nous ne saurions dire si ce changement promet d’être durable.
[7] Compétences techniques limitées en réalité… comme l’avouera, honnête, maxmaster, elles se limitent au téléchargement et au lancement du logiciel « skygraph »
[8] selon Jakobson
[9]-1 Jouêt J. 1989 : 65 citée par Beaudoin V. et Velkovska J. 1999 : "constitution d'un espace de communication sur internet", Réseaux n°97 : 122-177
[9]
Neveu E., 1995, « les
Sciences Sociales face à l’Espace Public, les Sciences Sociales
dans l’Espace Public », dans L’Espace Public et
l’emprise de la communication, Hermès n°4, :
55
[10] Cf. Simonin J., 2000 : « Médias locaux et citoyenneté, l’espace public réunionnais entre communauté et société », Hermès n°26-27, (295-307) : 299
[11] que nous distinguerons à partir de cet instant de l’insulte, par son caractère grossier, bien que toutes deux aient une fonction péjorative et dépréciative latente.
[12]
Winkin se réfère
à Joël de Rosnay, le Macroscope. Vers une vision globale,
Seuil, 1975