II La
variation du modèle conversationnel :
Comparons tout d’abord la différence de matériel sémiotique
dont disposent les interactants selon qu’ils sont en face à face
ou reliés, par connexion informatique, au dialogue en direct.
La nature textuelle des échanges
[1]
impliquant l’utilisation quasi-exclusive des procédés
linguistiques, commençons par évoquer les moyens utilisés
par les participants pour pallier le manque de relais intra-interactionnel,
et donc à l’absence de donnée paraverbale et non-verbale,
dont on sait l’importance en face à face :
Catherine Kerbrat-Orecchioni (1998b : 16-25) distingue cinq signes
paraverbaux et deux types d’éléments non-verbaux
:
·
Le débit, ou vitesse d’élocution : sur le dialogue
en direct, la rapidité de
Illustration :
feline.feline1> a.laddy> j'ai du mal a suivre la
(…)
a.laddy> feline.feline1>
moi aussi un pv en meme temps hihihi
(…)
a.laddy> oufffff
dur à suivre ici
16/04/01
salon 40 ans et plus#562
·
L’intensité vocale : elle
peut-être représentée graphiquement par la taille des
caractères typographiques. L’administrateur du site propose, dans
un menu déroulant, 3 formats optionnels désignés par les
termes « murmurer »,
« parler », (qui correspond à l’usage le
plus fréquent) et « HURLER ». Par défaut,
le système présélectionne
« parler ». Notons que, comme en face à face,
HURLER équivaut rapidement à une pollution non plus sonore mais
visuelle, à l’écran…
(Une
quatrième possibilité, l’écriture dite par
« vague », est offerte au connecté. Option
inexistante lors de notre étude précédente (Cf. Mattio,
2000 : 80)
Illustration :
taz_99991> 123_45> HEHOHE JE PARLE PAS AU SOUR
yeux-bruns> taz_99991> ne crie pas ca sert
à rien
taz_99991> yeux-bruns> POUR KOI
(…)
yeux-bruns> taz_99991> pcq nous sommes pas
sourds ici
taz_99991> yeux-bruns> SES PAS DE FATE SI IL ME
PARLE PAS
(…)
taz_99991> yeux-bruns> OU I ME REPOND PAS
yeux-bruns> taz_99991> ne crie pas il va le
faire
06/04/01 01h48
40+#420
Notons ici l’emploi par les utilisateurs, des verbes parler et crier,
pour désigner, non une activité vocale, mais un échange
scripté. Cette référence à une situation de face
à face, est également induite dans le dispositif (murmurer,
hurler…). Il peut d’ailleurs être intéressant de
rapprocher ce constat de celui de Jack Goody, en préface à son
ouvrage Entre l’oralité et l’écriture :
« … alors que l’écriture
peut remplacer l’interaction orale dans certains contextes, elle ne
réduit en rien le lien locuteur-auditeur qui constitue la nature même
des actes linguistiques. »
·
La hauteur de voix : difficile de trouver une
équivalence graphique, hors du cadre sonore.
·
Les intonations, ou schéma prosodique :
nous verrons que l’usage de certains procédés linguistiques
(comme l’étirement de certaines syllabes) permettent dans une
certaine mesure de créer artificiellement un contour intonatif.
Toutefois, les participants peuvent également avoir recours aux signes
de ponctuation, aux majuscules ou encore à différentes couleurs
de police de caractère.
Malgré le
caractère textuel des échanges, notons que certaines
activités purement vocales peuvent être signifiés à
l’écran : ici l’exemple de plusieurs participants
s’adonnant à ce qu’il conviendrait de nommer des
« chants virtuels »[2].
Précisons que la signifiance de l’activité ne
peut-être perçue qu’à la condition que les
interactants disposent d’un bagage culturel commun (en l’occurrence
la variété contemporaine française). L’utilisation
d’une imagette[3]
(note de musique) concourt également à
l’intercompréhension.
Salon DOM-TOM
09/02/01
·
Enfin, signalons les productions vocales
particulières (raclements de gorge, grognements…) ainsi que les
interjections, très fréquentes, qui nécessitent
d’être retranscrites en toutes lettres sur le chat (emprunt des
expressions, notamment onomatopéiques de la bande dessinée)
malgré leur caractère spontané en face à face (Nous
verrons plus loin que c’est une caractéristique spécifique
des situations de l’oralité, intégrant la présence
physique d’un interlocuteur, que d’autoriser l’emploi de
déictiques et l’usage de ces formes spontanées.)
Exemple :
lapate.fraiche> felinnoir> probleme moi grrrrrrrr
(…)
btitous> felinnoir> wouaaaaaa et ou cela ?
08/05/01 22h
40+ #915
ou encore :
le_pseudo_ki_fait_parler>
oi c tres beau
21/03/01 14h08
10 - 14 ans#218
- Les procédés non-verbaux :
Venons-en à
présent aux éléments non-verbaux, et d’abord évoquons,
sur le dialogue en direct, l’absence de données liées
à la proxémique (gestion de la distance entre les participants).
Comme nous l’avons déjà souligné, c’est une
co-présence situationnelle et non sensorielle qui unit les interactants.
La distance physique n’est donc pas « négociable »
entre individus, puisque structurellement imposée par le cadre de l’interaction
(Précisons que dans les cas des « Palaces »,
ces logiciels client/serveur textuels et graphiques, la gestion des avatars
(personnages graphiques symbolisant les différents usagers) s’apparente
à de l’organisation proxémique. Voir sur ce point, l’étude
de Verville et Lafrance)
En revanche, en matière
kinésique, l’on observe des procédés de substitution
à ces gestes, regards et autres mimiques d’expression, qui, en
face-à-face, sont autant d’indices directionnels, dont on ne
peut se passer selon Goffman, « sans mettre en danger l’interaction ».
(Goffman, 1991 : 214)…
Avant d’en
venir plus précisément aux manifestations de cette recherche
d’expressivité, résumons, en un tableau comparatif, les
procédés paraverbaux et non- verbaux dont disposent les locuteurs
dans les deux situations.
FACE
A FACE |
DIALOGUE
EN DIRECT |
Procédés
para verbaux |
|
Débit
Intensité vocale
Hauteur de voix
Intonations
Production vocale particulière (raclements de gorge, grognements…)
|
Vitesse de frappe
Corps de la typographie (Murmurer,
parler, HURLER)
Æ
Signes typographiques : (Majuscules,couleur, ponctuation…)
Transcription, ex. : « grrrrr »
|
Procédés
non-verbaux |
|
Proxémique (distance)
Kinésique (gestes,
regards, posture)
|
Æ
Simulation
du contact (Ex.
les salutations) « XXX » :-@ ((
)) « bise » |
Ainsi,
« There are no changes in voice, no facial expressions, no body
language, no (or very little) visual/spatial environment as a context of
meaning. There's just typed words. ».
(Suler, 1997b). La recherche
d’expressivité se manifeste pourtant également à
trois autres niveaux :
·
La ponctuation :
points et virgules sont souvent marginalisés, en revanche, les points
d’exclamation et d’interrogation peuvent être employés
en nombre pour représenter le contour intonatif du discours.
Comme le signale Suler dans
un article consacré aux salutations, « An
unspoken norm at the Palace is that one's degree of enthusiasm is loosely
correlated with the number of exclamation points in the greeting. »
(Suler, 1997a).
·
Les smileys
(illustrations 8 et 9), autrement dénommés emoticons, ou encore
icônes des émotions : il s’agit d’une suite de
caractères ASCII qui symbolise une expression du visage. (Tourner la
tête vers la gauche). Notons que l’interprétation peut se
révéler variable et que leur réalisation dépend de
la version, HTML ou JAVA, utilisée. Reid définit les smileys
comme « a system of presenting textual
characters as representations of physical action. Commonly known as 'smileys',
CMC users employ alphanumeric characters and punctuation symbols to create
strings of highly emotively charged keyboard art » (Reid, 1991)
L’exemple
suivant montre une création involontaire d’un smiley qui
équivaut ici à un raté, et qui nécessite au
préalable une courte explication : le marqueur de négation
« pas » est parfois remplacé par certains usagers
par le graphème « po » (comme
« oui » par « vi »). Or,
l’ajout d’un point d’exclamation à la suite de ces
deux lettres, sans espace, correspond à la constitution d’un
smiley. Ce raté, (la représentation graphique d’un pirate,
pour « po ! », pour « pas !»)
involontaire, nécessite, on va le voir, réparation.
eurydice_la_douce>
wayd> mdrrrr z'oublierai
wayd> eurydice_la_douce>
eurydice_la_douce>
wayd> y a tjs le pirate
qui se met au lieu de mes mots! y m'enerve celui la!mdrrrr
wayd> pas ???
eurydice_la_douce>
wayd> oui quand je veux
ecrire po
eurydice_la_douce>
bizarre hein!
wayd> P o ! =
21/03/01
salon 30-40#151
·
Enfin, les imagettes
(illustration 9), proposées par le support Caramail, bien connues dans
le domaine de la BD, (type tête de mort, cœur, arc-en-ciel… )
dont la fonction référentielle et poétique est souvent
mise à contribution. La réalisation des imagettes est soumise aux
mêmes conditions que celle des smileys.
Leur utilisation est essentiellement référentielle :
15/03/01
14h15
Salon 40+#48
Illustration
8
: liste non exhaustive de smileys (suite
de caractères ASCII)
http://123webmaster.online.fr/index.php3?page=smileys
172 smileys
trouvés
Smileys de
base :
:-)
Sourire
:-D
Rire
:-*
Bisou!
;-)
Complice
:-X
Motus & bouche cousue
:-P
Bavard [Langue qui dépasse]
:-|
Indifférent
:-(
Mécontent
:'(
Une larme
:-o
Oh!
0:-)
Je suis innocent!
>:->
Taquin
:->
Sourire sarcastique
>;->
Taquin & complice
Ci-après, les correspondances graphiques obtenues sur le site « carasecrets.fr.st »
(site indépendant)
Illustration
9
: Tableau de réalisation des smileys (graphique) et des imagettes sur
Caramail
Comme le signale Reid, « As Hiltz
and Turoff have reported, computer conferees have developed ways of sending
computerised screams, hugs and kisses. » (Reid, 1991). La
recherche d’expression est caractéristique, dans
l’étirement de certaines syllabes ( « chuuui
laaaaa »), afin de construire artificiellement la vocalisation, et
les cris ; mais elle est surtout manifeste dans l’utilisation des
signes typographiques pour représenter les étreintes.
C’est ainsi, comme l’ont souligné Verville et Lafrance
pour le Palace de Génération Net, que certains usagers du dialogue
en direct, ont coutume de « se donner la bise, à l’image
des peuples latins » (Verville et Lafrance, 1999 : 193). Ce
contact est formalisé par l’association de plusieurs lettres
X majuscules : XXXXXXX. Notons en revanche, et ce fût une surprise,
que l’usage pourtant très fréquemment attesté du
baiser, :-@ , un an plus tôt sur le salon DOM TOM (Cf. Mattio,
1999 : 92) n’a plus été observé dans le corpus
2001. Ce qui conforte l’idée d’une appropriation progressive
et variable du dispositif technique par les utilisateurs. Le recours aux parenthèses,
apparemment fréquent sur le Palace The Mansion, ((( good bye))) « histoire
de simuler l’étreinte des adieux » (Verville et Lafrance,
1999 : idem.) n’a pas non plus été observé.
- Les procédés linguistiques :
En étudiant l’an dernier le salon DOM TOM, nous avions pu observer deux applications différentes mais complémentaire du cadre de l’interaction [4] : d’une part, un rapport à l’écrit, fondé sur le modèle épistolaire classique, avec respect des règles orthographiques, une structuration même minimale des messages (Sujet Verbe Compléments)… D’autre part, un rapport à l’écrit fondé sur le modèle verbal, avec des énoncés liminaires, interprétables à la lueur des tours précédents, souvent composés d’éléments phonétiques… Nous y voyons deux paradigmes, celui de l’écrit, épistolaire, et celui de l’oral.
Sur le chat, les
néographies abondent : le morphème « qu »
devient « k » (ki, koi, keske, pour respectivement,
qui, quoi, qu’est-ce que…).
Exemple :
pampizza1>
s kil y a kelkun ki aime roswell
ici?
05/04/01
23h37
Salon 10-14#563
De
même, l’utilisation des abréviations (tlm, tjrs, pour,
tout le monde, toujours…) est courante
[5]
. Il convient de spécifier le cas particulier des
abréviations de type jargonneuse : elles sont peu nombreuses,
bien que très fréquemment employées, et parfois obscures
pour les non-initiés. Certaines sont fondées sur des traductions
d’acronymes anglais : c’est le cas de LOL, contraction de
Loud Of Laughing, dont l’équivalent français est généralement
représenté par « mdr » pour « mort
de rire », ou encore « ptdr » :
mysteriousways> masterdriver> ptdr
(…)
arobas5> mysteriousways>salut... scusez mon
ignardise mais... "ptdr", késako?!!!
tonton_du-web>
arobas5> pete de dire
(…)
mysteriousways> PéTé De Rire
19/03/01 15h30
salon blagues
L’on use également
de chiffres et d’opérateurs mathématiques (a+, y’a
kelk1, 7 a dire, koi de 9, pour respectivement, à plus (tard), y’a
quelqu’un, c’est-à-dire, quoi de neuf…). Les raisons
de ces usages sont multiples, comme le signale également Anis :
citons pêle-mêle, le gain de temps, l’attitude ludique (les
rébus), la nécessité de pallier le manque de relais intra-interactionnel,
la contestation de la norme, une volonté cryptographique à visée
communautaire… Sans oublier, la simple non-relecture du message (l’erreur
de frappe),
Ci-après, une séquence illustrant tout à la fois, des vocalisations (hihihi) l’utilisation d’une imagette (arc-en-ciel), l’emploi d’abréviations jargonneuse (lol, mdr), la représentation de la « bise » par XXX, l’usage démultiplié de certains graphèmes (va chhhhhhh… interjection dont la grossièreté est élidée par l'émetteur) ou encore l’équivalent graphié d’un grognement (grrrr)
beethoven123> bretel21> je dois te laisser mon masseur
m'attends hihihi!!!!!
rebelle_ch> un petit pour vous guider au bout de la nuit bisouxxxxxxxxxxxxxxxxx
bizou110> bretel21> tu t'es fait un cadeau
avec tes gains à la loterie
bretel21> beethoven123> okkkkkkkkkkkkkkkkk bye
bye bisous
bizou110> rebelle_ch> merci pour l'arc-en-ciel
et bisous #05
bretel21> bizou110> lolllllllllll hihihi remis
les finances a date lollllll hihihi
beethoven123>
bretel21> bisous de nous
deux, a la prochaine clic...
bretel21> beethoven123> tu as tout a fait raison
bizou110> bretel21> mdrrrrrr tu veux dire que
tu as payer tes impots
bretel21> beethoven123> a la prochaine xxxxxxx
bretel21> bizou110> non j'en devais encore plus
a l'impot malheureusement
bizou110> bretel21> normal aux salaires que
vous gagner les fonctionnaires mdrrrrr
bretel21> bizou110> va chhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh
bretel21> bizou110> tu gagnes 3 fois plus que moi
toi là grrrrrrrrrrr je suis une pauvre femme moi
09/04/01 04h15
Salon 40+
Précisons en conclusion de l’examen du matériel sémiotique,
la nécessité d’élaborer une terminologie opérante
afin de définir la façon de parler dans les cyberconversations.
L’on sait que langue orale et langue écrite ne s’opposent
pas tant sur la forme, selon leur variété, inhérente
au canal d’expression employé, que sur le fond, en termes de
structuration et d’élaboration du discours.
Ainsi, Marie-Christine Hazaël-Massieux
qualifie la langue orale comme la langue écrite de parlée ou
de graphiée (dans l’histoire des sociétés comme
celle des individus, l’oralité précède l’écriture),
la langue écrite pouvant être vocalisé. Et de résumer
en un tableau (1981 : 281) les quatre étapes successives du passage
d’une langue d’une situation d’oralité à une
situation d’écriture :
-
Stade 1 : la langue orale parlée : spontanée et susceptible
d’élaboration quant à sa composition et son rythme. Constitue
le ferment d’une littérature orale. La prosodie revêt un
caractère fondamental.
-
Stade 2 : la langue orale graphiée : transcription de l’oral.
Conserve le rôle essentiel de l’intonation sur le plan grammatical
et expressif.
-
Stade 3 : la langue écrite graphiée : adaptée
à une communication in absentia.
Atteint un seuil de standardisation par établissement de règles.
La place dévolue à l’intonation s’affaiblit au profit
notamment de procédés lexicaux.
-
Stade 4 : la langue écrite parlée : autonome de la
langue orale. Conserve à l’intonation une unique valeur de redondance.
Sans entrer en profondeur dans le débat linguistique de l’oralité
et de l’écriture, accordons nous avec Elisabeth Reid (1991) pour
constater que: « Communication and language
theorists make a sharp distinction between the spoken and the written word.
That distinction is based on a perception of temporal and spatial proximity
in the case of spoken communication, and distance in the case of written communication
(… ) Chat programs deal in a form of synchronous communication that
defies conventional understandings of the differences between spoken and written
language. »
En effet, comment qualifier la situation
de communication particulière, inscrite dans un cadre informatique
textuel, mais fondée sur le bavardage ? Il s’agit bien,
concernant ce que nous dénommons ici cyberconversations, de recours
à une langue orale graphiée, pour reprendre la terminologie
d’Hazaël-Massieux. Pour autant, cette conversation écrite
n’est pas différée, le message demeure susceptible d’adaptation,
et l’usage des déictiques est attesté (même s’il
semble rare) comme le prouve l’exemple suivant :
smg.justine1>
loverman56> a qui
tu parles
loverman56> smg.justine1> quan
smg.justine1>
la
21/03/01
Salon 10-14#113
Évoquons enfin, deux propositions terminologiques, formulées
l’une, par le linguiste Jacques Anis
[6]
, qui préconise l’emploi du mot-valise « parlécrit »
pour désigner cette forme d’écrit oralisé qui a
cours sur les chats ; l’autre, par Philippe Hert (1999 : 214
et suiv.) introduisant la notion de « quasi-oralité de l’écriture ».
Et notons que sur le dialogue en direct, le salon « blagues »
est particulièrement propice à l’observation de cette
« écriture oralisée » : les plaisanteries
fondées sur ce que l’on appelle communément des jeux de
mots, aboutissent en effet, dans le cadre textuel, à une transcription
(ortho-)graphique de l’équivoque phonétique.
Exemple :
cerealkiller23> tonton_du-web>
pourquoi les anges ne dorment pas?
tonton_du-web>
cerealkiller23> vasy
cerealkiller23> parceque jesus cris
19/03/01 15h30
Salon blagues
2)
Organisation des échanges :
La structure générale des échanges repose sur un modèle proposition / réplique, et fréquemment sur l’alternance question / réponse.
Comme le signale Suler, « Most of the time people
express what they have to say in a brief sentence or two, or in sentence fragments. »
(suler, 1997b).
ea64> zhour_75> que fais-tu à casa
?
zhour_75> ea64> deleguee medicale et toi
ea64> zhour_75> moi rien je suis
retraité
zhour_75> ea64> ton age
ea64> zhour_75> 57 ans !
07/04/01 01h30
salon 40 et +#435
Comme
en face à face, la prise alternée du tour de parole par les
différents locuteurs est l’usage courant. Toutefois, dans le
cas des cyberconversations, la prévision de la complétude
[7]
d’une énonciation ne repose ni sur la base
de moyens visuels (regard, geste…) ( ce qui pose particulièrement
problème dans le salon blagues évoqué précédemment,
quand il s’agit pour l’émetteur d’évaluer
le moment où son interlocuteur « donne sa langue au chat »,
signal que la chute de la devinette doit être dévoilée)
ni d’indices intonatifs fournis par l’émetteur. Or, de la pertinence de cette même prévision,
dépend le déroulement coordonné de la conversation. Sur
le dialogue en direct, les participants ont donc recours à deux autres
moyens :
Le
premier se compose du savoir grammatical réciproque des partenaires
qui leur permet d’anticiper la complétude grâce à
la combinaison de différents indices syntaxiques et sémantiques
(Bange, 1992 :33).
Le
second, typique du chat, provient de la quasi-synchronicité des échanges
et du calque de la complétude sur l’apparition des énoncés ultérieurs
: nous avons jusqu’ici qualifié le chat de « synchrone »
pour la raison qu’il associe deux locuteurs en présence immédiate
de la réponse de l’un et de l’autre, à l’image
du téléphone (Goffman, cf. infra). Toutefois, la pure synchronicité
voudrait qu’il n’y ait aucun décalage entre l’émission
et la réception du message. Or sur le chat, un léger différé,
de quelques secondes apparaît, en fonction du nombre de participants
actifs sur le salon, du nombre de connectés… Mais on peut comparer
ce décalage avec celui de certaines liaisons téléphoniques
lointaines, dont la synchronicité n’est pas pour autant remise
en cause.
Le
schéma ci-après tente de montrer comment le changement de tour
L1-L2 se confond avec l’affichage, à l’écran, de
nouveaux énoncés.
Les
conséquences sont doubles : d’une part, la mésentente
est toujours possible car comme le stipule Goffman,
« l’unité élémentaire de parole
n’est pas le tour mais le « mouvement » (move) qui peut coïncider avec
un tour de parole ou une phrase, mais n’y est jamais
contraint » (Goffman, 1987 : 31). L’enchâssement
général des énoncés, se double de ce fait, parfois,
de chevauchements au sein d’un même échange.
L’auto-attribution du tour étant bien sûr la règle. Précisons
tout de même au regard du schéma précédent que le
chevauchement est en réalité déduit a fortiori par les deux interlocuteurs à mesure de
l’affichage de leurs énoncés respectifs. Le chevauchement
porte donc en fait sur l’envoi (hors-cadre) du message, et influe sur la
pertinence du propos.
salon 40 et + #48
(L’on notera
la virgule à la fin du premier énoncé, qui marque la
non-complétude, mais la signifiance de cet indice semble ici insuffisante)
L’autre
conséquence typique du synchronisme des interactions et du calque de la
complétude du tour sur l’apparition de nouveaux
énoncés, est la promptitude requise pour les échanges.
Rheingold considère ainsi le « quick wit » comme
un élément fondamental.
tina.soon2> leogon> tu veux parler avec moi?
leogon> tina je veut bien mais tes reponce son
long
(…)
tina.soon2> Non!
tina.soon2> leogon>
Je te parle!
14/03/01 14h08
salon 10-14#47
Signalons que vivacité d’esprit et rapidité d’exécution de l’énoncé sont deux qualités requises et valorisées dans les salons. « The Internet relays chat, and such social endeavour demands speed of thought - witty replies and keyboard savoir faire blend into a stream-of-consciousness interaction that valorises shortness of response time, ingenuity and ingenuousness in the presentation of statements. » (Reid, 1991)
Il faut voir dans cette promptitude, corollaire du maintien de l’engagement,
une caractéristique qui rapproche la cyberconversation du bavardage
en face à face.
Il en est une autre, commune aux deux modes d’interaction,
qui apparaît d’ailleurs dans l’exemple précédent :
l’usage de la mention du destinataire.
·
La nature dialogique des échanges :
Il est d’usage sur les salons de mentionner le nom du destinataire des messages. Cette règle a d’abord pour but de faciliter la lisibilité des échanges et de favoriser l’intercompréhension. À ce titre on peut parler de signes de direction.
Pris dans le flux
des échanges, le message risque, en l’absence de mention de récepteur,
de rater purement et simplement sa cible. Des rappels à l’ordre
peuvent alors être prononcés par les récepteurs « supposés ».
ea64> tu as le soleil et la mer c le paradis!
zhour_75> ea64> avec qui tu parles
ea64> excuse je te parlais !
ea64> zhour_75>
excuse je te parlais!!
07/04/01 01h30
salon 40 et +#435
L’on
constate dans l’exemple précédent que la première
tentative de réparation d’ea64 ne comporte toujours pas
d’adresse, ce qui l’oblige en tant qu’offenseur à
réitérer à nouveau ses excuses, dans les formes cette
fois.
Précisons que les participants ont l’impossibilité de sélectionner en même temps, deux destinataires différents, ce qui conditionne fortement un cadre de relations duelles. A l'instar de la conversation, l’échange médiatisé synchrone sur Caramail peut donc être qualifié de binaire : « la binarité de la conversation repose sur l’impossibilité de sélectionner, dans le même temps, deux allocutaires distincts » (Vion, citant Laroche-Bouvy, 1992 : 135-136)
Mais la relation duelle, si elle semble la plus commune, n’est
pas la seule possible, bien que la cyberconversation, comme « toute
conversation qui mettrait en présence plus de deux personnes devrait
fonctionner comme des séquences de relations dyadiques successives
ou simultanées. » (idem.)
Les échanges « de groupe », c’est-à-dire
lorsqu’au moins trois participants s’entendent pour discuter ensemble,
requièrent plus de maîtrise technique et de vivacité :
il faut alors coordonner son message avec les autres productions, prendre
son tour en évaluant la pertinence du propos en tenant compte du risque
de chevauchement ; désigner un destinataire, même si le
message s’inscrit dans le cadre d’une discussion de groupe…
Nous reviendrons dans la deuxième partie sur la conception plus ou
moins collégiale de l’interaction. Mais il nous faut souligner
la fonction générale de ces échanges de groupe :
la construction d’un contexte imaginaire commun.
·
La création d’un environnement imaginaire
Selon Rheingold, trois éléments fondamentaux
caractérisent IRC : « artificial but stable identities, quick
wit, and the use of words to construct an imagined shared context for
conversation. » (1993). Le fait est que les participants
(apparemment le cas est plus fréquent sur les salons 40 ans et plus, que
sur les salons 10-14 ans) se construisent parfois un contexte purement
imaginaire, qui sert alors de nouvelle ressource. On peut alors parler de
construction commune du discours…
Dans l’exemple que nous avons choisi, trois participantes, titou723,
liberace57, et elle_est_sauvage critiquent vivement l’attitude de
sexy_juju.
Exemple :
15/03/01 14h15
40 et +#48
Par sa longueur, et sa construction collective,
cet exemple semble assez exceptionnel. Plus fréquentes sont les
références ponctuelles et individuelles :
hammadi54> je
vous offre un bon verre de thé à la menthe
1aakita> hammadi54>
ouaisssssssss
hammadi54> kryskool>
de rien
16/04/01
salon 40 et + #562
Précisons en conclusion de la description du fonctionnement général des échanges qu’au regard du manque apparent et relatif de relais intra-interactionnel, peu de situations d’incompréhension ont été relevées. Ce qui confirme par ailleurs, les observations de Reid, ou encore Rheingold.
Un cas, particulier, mérite toutefois d’être souligné :
nous avons recensé au moins deux exemples de mésentente entre
locuteurs (dont un lors d’une séance d’observation participante)
liée à l’absence de marqueur interrogatif. Le contour
intonatif, inexistant, ne permettant pas de conclure qu’une question
est posée, l’énoncé est alors interprété
comme purement déclaratif…
n.bella1>
eurydice_la_douce> salut, il est amusant se salon
eurydice_la_douce>
n.bella1> ah bon? tu
trouves?mdrrrr
n.bella1>
non, je t'ai posé une question
eurydice_la_douce>
n.bella1> pardon?
n.bella1>
eurydice_la_douce> je voulais savoir si c'est amusant, c'est une question
eurydice_la_douce> n.bella1> non, y a pas beaucoup d'ambiance!
21/03/01 16h00
salon 30-40#151
ou encore :
taiso> tutty.sweety>
alors ca vas
(…)
taiso> tutty.sweety>
tu me reponds pas
(…)
tutty.sweety> taiso> pardon... c'était une question?!!!
16/04/01
40 et +#562
Nous avons traité de l’organisation générale des échanges. Abordons maintenant l’activité cérémonielle, dont les manifestations les plus visibles, nous dit Goffman, « sont sans doute les salutations, les compliments et les excuses qui ponctuent les rapports sociaux » (1974 : 54).
-
Le fonctionnement des échanges rituels :
Les échanges réparateurs et complimenteurs seront
examinés en détail dans la troisième partie de ce travail.
Consacrons nous ici plus particulièrement aux rituels
d’accès, salutations et adieux, qui constituent respectivement des
marqueurs de transition vers une augmentation et une diminution de
l’accès mutuel.
L’on peut distinguer deux possibilités d’engagement des participants : soit initier l’échange, en procédant à des salutations, focalisées ou non (le degré d’interconnaissance entre le nouveau venu et les membres déjà présents sur le salon est une donnée importante dans le ciblage de l’énoncé, mais non fondamentale ; les communications médiées par ordinateur favorisent les interactions entre des individus qui dans la vie réelle (« off line») n’auraient probablement pas le loisir de se côtoyer, l’interconnaissance n’est donc pas un préalable requis pour la mise en contact, tout au moins sur les chats « publics ») ; soit répondre aux salutations d’un tiers, ce qui conditionnera par ailleurs le tour de parole (et l’on peut penser qu’avec un schéma fréquent questions réponses, cette place dans le tour induit également une adaptation du discours) …
Deux exemples extraits d’une même séquence :
anne-lise.lisou> Coucou à tous et toutes ! {-)
(…)
adpepper> anne-lise.lisou>
salut toua!!
19/03/01
salon 25 - 30 ans#113
Comme le signale Goffman, « il faut admettre que les rituels de salutation et d’adieu sont influencés non seulement par le degré d’accès mutuel mais aussi par le type de tolérance rituelle qui règne entre les individus » (Goffman, 1973b : 91). Nous verrons en particulier dans la deuxième partie, que sur les chats, cette tolérance est particulièrement grande. Et elle se manifeste en partie sur les modalités d’ouverture des échanges.
Ci-après quelques exemples de la variété des salutations :
Classiquement :
cochon-mignon> Bonsoir a tous et toutes :)))))))
11/04/01 04h48
salon 30 - 40 ans#513
cali-nette23>
salut
benamarc> salut
montana20> cali-nette23> salut ça gaz !!!
14/04/01 22h01
salon 30 - 40 ans#550
15/03/01
salon 40 ans et
+#54
Plus spécifique, cet échange de salutations entre deux
intervenants, dont on peut penser qu’ils partagent une vision
commune de l’interaction, si ce n’est un bagage culturel
commun (Eminem est un chanteur américain se distinguant notamment par
son caractère provocateur) :
la_fan_d_eminem>
la_danse_du_youkoulele>
salope
la_danse_du_youkoulele> la_fan_d_eminem> salope a toi !
21/03/01
10-14#218
Comme nous le notions déjà l’an dernier, « il n’y a pas a priori d’égalité devant la réponse à une demande d’engagement. Tout dépend de l’activité qui règne sur le serveur, de la disponibilité des membres, mais aussi de la stratégie d’adaptation des locuteurs » (Mattio, 2000 : 128).
L’activité est déterminante : le nombre de connectés
est variable en fonction des horaires, et il arrive que des périodes
de quasi-inactivité s’installent. Précisons que l’activité
se mesure à la rapidité à laquelle se succède
l’affichage des nouveaux énoncés.
Exemple :
cwagner2> BONSOIR TOUTES ..... BONSOIR TOUS
dan_que> slt tlm
caro2275> salut tlm<
zazaby1> salut tlm
c-mon-dernier-bal>
salut tlm....je suis le
4ème
btahar2> salut caro2275
colonelfreezer> btahar2> eh bien c'est le meme partout
11/04/01 04h48
salon
30 - 40 ans#513
Ces périodes troublantes d’inactivité, dans un
système fondé sur l’expression amène certain
à meubler le silence graphique par un monologue : on peut y voir
une forme particulière de repli sur l’interaction.
larauffe> salut a tous
larauffe> si vous etes encore vivant bien sur
larauffe> ca n'a pas l'air
larauffe> heuyyyyyyyyyyyyyyyyyy
larauffe> vous faites quoi ?
crystaline41> allo
larauffe> bon il me faut repeupler tout ca
larauffe> ca va pas etre facile
larauffe> mais bon je ne perds pas courage
larauffe> il y aura bien au moins un survivant, non
?
larauffe> grrrrrrrrrrrrrr !!!!
larauffe> c'est pas le top ce salon
larauffe> j'ai vu mieux quand meme
larauffe> dans ma grande vie
larauffe> ou suis-je ?
larauffe> pas cool du tout
jean.besaloeil>
bonsoir
larauffe> je vous en remercie pas
larauffe> jean.besaloeil> a enfin
larauffe> jean.besaloeil> tu es bien vivant ?
jean.besaloeil>
larauffe> j'arrive
jean.besaloeil>
oui, je pense
larauffe> jean.besaloeil> je ne reve pas , hein
?
09/04/01 00h
salon 40 ans et plus#468
Ou encore :
jay93jay> aouh
jay93jay> ca va les vieux
jay93jay> aouh
jay93jay> arc enciel
jay93jay> aouh
jay93jay> vsetes intimides ou koi
jay93jay> aouh
jay93jay> laila t telement veille ke tu connais pas
ton sexe
jay93jay> je suis le gourou
jay93jay> aouh
jay93jay> vs avez perdu vos dantier vs savez +
parler
jay93jay> aouh
11/04/0116h15
40 ans et plus#564
L’engagement conjoint est un état fragile, précaire
et instable nous dit Goffman : « Mais, comme un tel engagement
est obligatoire, le détachement sous toutes ces formes constitue une
sorte de méfait que l’on pourrait appeler « mésengagement ».
(Goffman, 1974 : 104)
Le type de « mésengagement » lié à une faible activité générale peut être imputé au système. Mais lorsque l’activité peut être qualifié de normale, que la présence des participants est manifeste par l’envoi régulier de messages, l’absence de réponse à des salutations peut être attribuée à un manque de politesse, et faire ainsi l’objet d’une complainte de l’émetteur qui se place alors dans la position d’offensé (atteinte à sa face positive selon la dénomination de Kerbrat-Orecchioni, 1989).
L’exemple
suivant est d’autant plus intéressant qu’il met en lumière
la capacité d’interprétation relativement grande des interactants :
ici, le plaignant recourt à des remerciements anti-phrastiques pour
souligner que sa demande initiale d’engagement n’a pas trouvé
d’écho. Nous notons que le caractère ironique de son propos
n’échappe pas à son interlocuteur.
25lorelei>
bonjour à vous tous !
(…)
25lorelei> Merci à vous de m'avoir saluée !
(…)
a.laddy> 25lorelei>
oups pardon pas vu allo
feline.feline1> 25lorelei> oups pas vu en vert toi
feline.feline1>
25lorelei> bonjour
(…)
25lorelei> feline.feline1> bonjour mais un peu terd !!!
(…)
25lorelei> idem pour ces messieurs !!!
(…)
feline.feline1>
25lorelei> ne le prends pas mal
16/04/01
40+#562
Précisons
également que cette conception de la politesse n’est pas
unanimement partagée par tous :
arkanium>
Sallut à tous
colonelfreezer>
arkanium> bjr toi
colonelfreezer>
restons poli
colonelfreezer>
saluons ceux qui nous
rejoigne
btahar2> colonelfreezer>c'est dommage
11/04/01 04h48
salon 30 - 40
ans#513
Mais répondre à toutes les sollicitations
d’engagement est impossible et le devoir de politesse peut
entraîner des espérances fâcheuses : l’exemple que
nous avons choisi est particulier car l’émetteur procède
dans le même temps à des salutations et à une demande
mariage (certes non conventionnelle) :
errabie> salut
les veilles
(…)
errabie> qui a envie de se mariee
errabie> je
cherche une femme pour mariage
errabie> y
a personne m' a repondu
feline.feline1> errabie> hello sorry
errabie> feline.feline1>
tu es interesse
feline.feline1> errabie> non je te dis bonjour par
politesse
errabie> merci infiniment
16/04/01
salon 40 ans et +#562
Enfin, il nous faut évoquer la variation de la durée globale de la séquence d’ouverture, qui comprend très souvent une catégorie spécifique de « salutations complémentaires », les « questions de salutations » (Kerbrat-Orecchioni, 1998b, 53).
C’est le cas fréquent du « ça
va ? » et autre « tu vas bien ? ».
rubis142> salut tout le monde
raphael.roche>
rubis142> salut
smg.justine1>
salut rubis142
rubis142> raphael.roche> ca va ?
rubis142> smg.justine1> salut
raphael.roche>
rubis142> ouaih, et toi
???
smg.justine1>
tu vas bien
rubis142> raphael.roche>
oui, tu viens en pv ?
21/03/01
10-14#218
Il faut toutefois nuancer la question de l’état de santé comme forme de salutation en passant dans le cas des cyberconversations, car la santé est aussi un sujet exploité au titre de ressource sûre.
Précisons enfin que la durée de la séquence d’ouverture est parfois très longue, (surtout sur les salons 10-14 semble-t-il, où la mise en contact et la ratification mutuelle de l’engagement prime apparemment sur le contenu même de l’échange) au point de rompre avec la loi de pertinence dans le cas suivant (Wasa ou Was up est une référence à une publicité).
frantzdream>tina.soon2>
wwwwwwwwaaaaaaaaaaaaaaaaaaazzzzzzzzzzzzaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
jmolinier> frantzdream>
wwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwwaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaasssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssaaaaaaaaaaaa
frantzdream>
jmolinier>
wwwwwwwwwaaaaaaaaaazzzzzzzzzzzzzzaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
frantzdream>
tina.soon2>
wwwwwwwwwwwaaaaaaazzzzzzzaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
tina.soon2> frantzdream>
wwwwwaaaaaaaaassssssssuuuuuuuuupppppppppp!
frantzdream>
tina.soon2>
wwwwwwwwaaaaaaaaaazzzzzzzzzzzzaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
tina.soon2> Ok
j'ai compris!
14/03/01
salon 10-14#47
Nous allons traiter maintenant le problème de la coordination
de la suspension.
Un problème initial concernant les clôtures peut être ainsi formulé nous dit Bange : « comment organiser l’arrivée simultanée des participants à la conversation à un point où la complétude (d’un tour de parole) réalisée par un locuteur n’occasionnera pas une énonciation d’un autre locuteur et ne sera pas entendu comme un silence d’un locuteur. » (Bange, 1992 : 30).
Comme nous l’avons souligné précédemment, il
est d’usage, pour les participants au dialogue en direct, de mentionner
toutes préoccupations extérieures à l’interaction
et incompatibles avec elle. Le retrait de l’échange est donc
généralement formalisé par un énoncé de
clôture :
julie.la.rousse> 1aakita> je remùets en veille bisous
16/04/01
40+562
Force est de constater, à l’issue de l’examen
systématique des situations caractérisées par
l’embarras[8] sur les
salons « par âges », que les participants
s’excusent souvent de mettre un terme à l’échange.
pyloops> olivia144> je dois y aller
désolé bye a+
olivia144>
pyloops> bye
olivia144> @+
14/03/01
10-14#47
larauffe> bon desolée je pars
larauffe>
bye
09/04/01
Salon 40ans et +#468
Ces excuses se manifestent alors essentiellement par une réalisation implicite, c’est-à-dire une justification. L’on en conclut que la clôture des échanges est assimilée par certains à des offenses fortuites, définies par Goffman comme « des sous-produits non désirés, mais parfois prévus d’une action accomplie en dépit de telles conséquences » (Goffman, 1974 : 17).
Quand elle a lieu, cette légitimation de l’offense s’exprime typiquement par la description d’un état d’âme approprié (comme c’est le cas dans les deux exemples précédents : « désolé», variante elliptique de la justification), ou par la justification de l’action, en évoquant des contraintes imprévisibles, une nécessité impérieuse, ou un intérêt supérieur. Les exemples suivants sont explicites :
lormaka> petite_abeille6>
bon je quitte , je vais rejoindre mon amour
16/04/01
40+562
barbarella1025> je quitte je dois aller chercher
quelqu'un a l'aéroport bisous peut etre à tout à l'heure
09/04/01 00h
salon 40 ans et
plus#468
Précisons que les adieux ne sauraient être entendus sur le
chat comme la marque solennelle d’une longue séparation à
venir. « Si la probabilité de contact après la
séparation reste la même que précédemment et si
cette probabilité est forte, il est possible d’employer des
expressions telles que « à bientôt », ou
« à un de ces jours ». On le fait couramment au
téléphone », nous dit Goffman (1973b : 90).
Le
fil du dialogue en direct n’étant jamais rompu et la liste des
connectés toujours accessible, la séparation est dans certains
cas relativement brève. Le degré d’interconnaissance est en
tous cas déterminant.
1aakita> taiso> bisous a ce soir
16/04/01
Salon 40 ans et
+#562
Ici
le retour d’une connectée. Les salutations se limitent cette
fois au strict minimum (le préfixe [re-] qui indique la répétition,
est utilisé ici « pour lui-même »)
julie.la.rousse> RE LES FILLES
1aakita> me
revoila
1aakita> julie.la.rousse>
coucou
feline.feline1> julie.la.rousse> re kisssssssssssssss
miote73> salut!!
julie.la.rousse>
J'AI RATE QUELQUE CHOSE
16/04/01
40+562
Signalons
que ces exemples montrent que les échanges s’inscrivent dans le
cadre plus général d’une « histoire interactionnelle »
commune.
Nous conclurons ici cette première
partie visant à mettre en relief la question de l’adaptabilité
du modèle conversationnel aux cyberconversations.
[1] Précisons qu’il est toujours possible de
recevoir, simultanémént à l’activité du
dialogue en direct (et via la boite aux lettres électronique), des
données multimédia, sous forme de photos, de fichiers son…
[2] Les amateurs reconnaitront les oeuvres du Groupe Indochine et de Francky Vincent…
[3] Cf. supra
[4] Cf. Mattio, 2000 : 82
[5]
On trouvera sur le site http://www.hiersay.net/jargon.asp,
une liste de 31 abréviations (non repertoriées pour la plupart
sur le dialogue en direct de Carmail) telles que :
alp : à la prochaine !
A/S/V : age/sexe/ville (peu
apprécié)
AKA : Also Know As (plus
connu sous le nom de, alias)
ASAP : As Soon As Possible
(dès que possible)
Away : absent, au loin
BRB : Be Right Back (je
reviens)
BTW : By The Way (à propos)…
[6] Internet, communication et langue française, ss la dir. Jacques Anis, Paris, Hermès Science, 1999.
[7] « La complétude c’est ce qui
est réalisé lorsque le locuteur actuel est arrivé de
manière prévisible pour le locuteur suivant à la place
pertinente pour le changement de locuteur » Bange, 1992 : 33)
[8] Cf. supra : les échanges
réparateurs